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HISTOIRE

Premier épisode | Épisode précédent

Étudiant appliqué | S10 | Plessage

9 | Curiosité

Le récit de Toni

Après nos ébats post-prandiaux, nous prenons une douche puis Adrien écarte nos smartphones quasiment privés de réseau sur tout le domaine et prépare nos sacs à dos pour la plage : nos foutah colorées, une natte de jonc, une gourde d’eau, de la lecture, nos lunettes de soleil et une casquette américaine. Il lève un doigt de prédicateur pour focaliser mon attention et, à l’intérieur du couvre-chef, il insère, dans le ruban serre-tête, deux étuis carrés : un préservatif et du gel lubrifiant.

- « La dune est un milieu naturel dangereux où il ne faut pas s’aventurer sans assurances. Et maintenant, tourne-toi ! »

Il vaporise alors généreusement sur mon corps entier un lait de protection solaire qu’il achève d’étaler du plat de ses mains quand, moi, je joue à l’homme de Vitruve, * écartant symétriquement bras et jambes pour qu’il m’enduise plus aisément.

C’est étrange la rapidité avec laquelle je me suis accoutumé à la nudité complète et générale ! A la piscine, plus d’habillage / déshabillage malcommode dans une cabine exiguë des vestiaires*, plus de vêtement contrariant, s’enroulant sur une peau humide, plus de vigilance pour s’assurer que le nœud du cordon de ceinture qui garantit votre pudeur est bien serré avant de plonger, plus de maillot qui moule et détaille précisément votre anatomie ou soudain se gonfle d’air, plus d’obstacle ni d’écran entre la peau et l’eau … Finalement, être nu est simple. Le vêtement retrouve sa fonction exacte de protection contre l’ardeur des rayons ou le froid.

Et là, Adrien me pétrit voluptueusement, à pleines mains qui moulent, doigts serrés qui s’ouvrent en étoile, appuyés ou légers, parcourant les parties les plus communément dévoilées comme les plus intimes, indiscrets, sans que j’en sois le moins du monde gêné … Il se redresse en glissant contre moi, souriant … et ce n’est pas … Non ! Non ! Je découvre dans ce corps à corps pourtant puissamment sensuel, détaché de toute prévention et du regard de l’autre, une proximité fraternelle et privilégiée.

Il sourit en me tendant le flacon et, à mon tour, je pulvérise sur lui le liquide protecteur en insistant sur ses épaules, le haut du dos, le rebond de ses fesses, ses cuisses. A genoux, je remonte en le massant depuis ses pieds sur ses mollets nerveux jusqu’à son fessier, explorant sa raie broussailleuse qu’il entrouvre, naturellement. Ses bras, son dos, son abdomen, son sexe … rien n’est oublié ! Une cartographie parfaitement détaillée scrutée en pleine lumière !

Puis je m’aventure dans le taillis de son torse, les doigts en griffe, pour le plaisir de peigner sa toison sous son regard amusé. Il me plante alors un bisou sonore sur le front pour siffler la fin de ma récréation, m’entoure de ses deux bras en écharpe et me serre contre lui. Nos visages, face à face, se sourient des lèvres et des yeux.

- « Tu commences à comprendre ce qu’on vient chercher ici ? »

Puis il me tire par la main et, bientôt, nous roulons sur une piste sablée qui longe la clôture nord, la franchit, s’incurve vers la gauche, … mais il emprunte un chemin sur droite et, quelques mètres plus loin, met pied à terre. Il attache son vélo à un pin, parmi tous ceux déjà stationnés. Les troncs, à l’écorce griffée de haut en bas, jaillissent, raides comme des bites en majesté et vont se perdre dans l’entrelacs de la toison verte et sombre des frondaisons.

Nous suivons un sentier au travers de la pinède puis de la dune verte pour découvrir, soudain, en contrebas, l’immensité d’une plage de sable rectiligne ponctuée par des vestiges tagués du mur de l’Atlantique que les rouleaux qui grignotent cette côte chaque hiver, ont mis à bas.

Après la chaleur sèche restituée par le sable, la main fraîche et saline du vent me fait frissonner. La lumière réverbérée est éblouissante. Un effondrement en entonnoir nous permet de rejoindre l’estran et l’eau qui vient lécher mes mollets me frigorifie. Des silhouettes sont allongées sur la grève, à l’abri des maigres replis du terrain, d’empilements de cailloux et de bois, de toiles déployées pour les protéger du vent. Sur nos nattes qu’il fait flotter, les grains de sable nous cinglent en rafales piquantes et nous devons battre en retraite pour rejoindre la protection de la forêt.

Pourtant, derrière le cordon de la dune littorale, celle-ci porte les stigmates de grandes tempêtes* qui l’ont renversée. En témoignent ces squelettes argentés couchés dans les cistes et les genêts, vestiges d’impressionnants charniers. Plus loin, quelques survivants vénérables se tapissent prudemment, à demi dissimulés dans la litière d’aiguilles, leurs troncs comme des cuisses pliées par des genoux ronds prêtant allégeance ou arqués comme des bras en arabesque. Leur écorce de larges écailles brun vineux, dégage ces puissantes essences de résine que, parfois, la canicule enflamme. Au milieu, jaillissent les élans de la régénération, droits et vigoureux, vert éclatant, dans leur fourreaux d’aiguilles acérées.

Une petite plateforme sableuse en surplomb du sentier, nous accueille, offrant une trouée au soleil et un point d’observation. Des traces semblent irriguer la forêt et y dessiner une résille.

Soudain, les voilà silencieusement parcourues en tous sens … par celui-là qui paraît courir après son train, par cet autre qui balade son chien furetant, par ces vieillards chenus au pas tremblant … encore un, tournant la tête comme un hibou aux larges yeux ronds pour détecter la moindre présence, suspendant son pas pour épier les proies potentielles, … par celui-ci qui, le dos droit et balançant des bras raides, prêt pour la revue, éclabousse chacun de ses pas d’une gerbe de sable, il s’engage sur la rampe qui mène vers nous, nous aperçoit, se fige et rebrousse chemin, … un qui nous salue courtoisement d’un hochement du chef, celui au pas martial et au cul blanc qui tient ses vêtements froissés dans sa main … de nouveau par celui-là, il a dû rater son train mais conserve son pas précipité pour tenter d’échapper à l’homme à la casquette rouge qui le talonne, puis par un indifférent hautain derrière ses lunettes de soleil ... La dune est un théâtre d’ombres.

Tout un ballet silencieux réveille le sous-bois et il ne m’est pas difficile d’imaginer que des étreintes agitent les fourrés.

- « Tiens, bonjour Adrien ! »

Il n’est pas très grand, brun aux tempes griffées de sel, le visage avenant, l’allure tonique. Il a gravi la rampe sablonneuse d’un pas tranquille, son sac marin à l’épaule. Adrien se relève et lui tape sur l’épaule en souriant comme ravi de le voir. Il me présente d’un simple : « Toni ». Son « bonjour, moi c’est Antoine » en retour, est franc et chaleureux, son hâle uniforme trahit l’habitué du cru. Il me parait d’emblée sympathique.

A l’invitation d’Adrien, il écarte sa serviette à côté des nôtres, s’assoit et répond à ses curiosités : tel établissement s’est ouvert, le meilleur glacier de la côte reste celui de la station voisine, le vent a mis à bas la hutte de chasse ... Je ne prête qu’une oreille distraite.

La main d’Adrien vient se poser délicatement sur moi. Je surprends le regard d’Antoine qui la suit … puis il me sourit gentiment avec je ne sais quoi de doux et caressant dans son œil noisette.

Les ressources culinaires des alentours entretiennent maintenant le dialogue et mon intérêt redouble à l’évocation des gambas élevées dans l’estuaire qu’on déguste grillées dans une paillote cachée dans les marais.

Les sentiers sont à nouveau empruntés lors du retour de plage et, cette fois, bruissent de conversations, du claquement décidé des tongs, du frottement des sacs et des parasols contre les branchages, chacun s’interpelle et se salue, feignant d’oublier les regards et les assauts impudiques de l’après-midi .

Antoine se met à genoux, s’époussette et, machinalement, nous aussi nous entamons de ranger nos maigres paquetages. Nous nous engageons ensemble sur le chemin. Il y a un léger dandinement dans le pas d’Antoine, comme un appétit qui n’ose … et dans la retenue d’Adrien, je lis la fluide discrétion du chasseur que le fumet du gibier a mis aux aguets …

Brusquement, j’allonge mon pas, m’intercale entre eux deux, frottant au passage mon dos nu contre Adrien qui me retient d’un bras, attrapant du mien Antoine par la nuque pour attirer à moi ses lèvres que j’embrasse. Puis je les détache sans relâcher la tension de mon bras - et c’est lui qui revient chercher les miennes - alors qu’Adrien m’enveloppe de ses bras.

Sans un mot, nous nous écartons du chemin, trouvant un refuge illusoire dans un taillis touffu, mêlant de jeunes pousses et des genêts. Nos sacs glissent de nos épaules dans la litière des aiguilles craquantes et je retrouve la bouche d’Antoine pour un savant dialogue de langues quand l’étreinte d’Adrien nous réunit. Je tourne la tête pour l’embrasser à son tour alors qu’Antoine s’accroupit. Je perçois au va et vient de ses cheveux sur ma queue dressée qu’il s’emploie … sur celle de mon mec, lequel me souffle « canaille » avant de fermer les yeux en soupirant d’aise.

Par la dynamique des contre poids, je fléchis sur mes jambes quand Antoine se redresse. D’une main, je caresse la belle tige baveuse d’Adrien, de l’autre, j’embouche celle d’Antoine, suintante et recourbée vers le haut. Mes doigts se referment sur ses couilles que je fais d’abord rouler sous mon pouce. Puis mon majeur glisse le long de son périnée que je découvre d’une surprenante douceur satinée, pour atteindre son anus qu’il masse sans rencontrer la moindre résistance. Je l’enduis de salive et retourne y ficher une phalange. Sans effort.

Mais cette soudaine cambrure du rein, en réflexe, n’a pas pu échapper à Adrien. C’est maintenant son sceptre impérial que je déguste, le suçant et le léchant tour à tour tandis que je masse souplement l’orifice qu’Antoine garde complaisamment à ma portée.

Je me redresse et m’écarte. Je me penche, sur une jambe pliée et l’autre tendue en équilibre, pour happer ma casquette d’un geste vif de la main. Je froisse bruyamment les deux étuis que j’y trouve et reviens vers les deux qui se galochent en se pinçant les tétons. D’un coup de canine, j’ai percé l’étui de lubrifiant que j’écrase dans les reins d’Antoine, puis je récupère le gel qui s’écoule dans ses poils pour venir enduire sa raie, son sphincter … un doigt, puis deux …

Ceux d’Adrien ont rejoint les miens, il prend le relais. Un genou à terre, je peux me consacrer à sa queue. En technicien, en opérateur chevronné, j’use de mes mains, de mes lèvres, de ma langue pour en faire cet outil d’acier trempé qui sait si bien me transporter et que je recouvre maintenant du latex protecteur. En observateur averti, je vois les deux protagonistes rectifier leurs postures, s’aligner, leurs mains les guider, puis Adrien s’empare des hanches d’Antoine qui s’est cassé en deux, et d’une sèche détente des reins, il se fiche.

J’écoute leurs respirations profondes tandis qu’il le pénètre progressivement, puis il rouvre les yeux, me regarde et j’embrasse ses lèvres sans m’attarder. Ma main posée sur lui perçoit l’instant exact où Antoine, relâché, creuse davantage le rein et recule sur l’axe qui le remplit. Il crache alors dans sa paume, en recouvre son gland avec de petites torsions du poignet.

Mon autre main appliquée sur le fessier d’Adrien suit ses muscles dans la succession d’un lent étirement en puissant ressort suivie d’une vive contraction. Je ferme les yeux en accompagnant leurs mouvements en opposition et leurs souffles haletants, je caresse paresseusement leurs peaux, je les devine, capte leurs odeurs, je suis témoin de cette tension animale impérieuse où je perçois pourtant une attention réciproque.

Découvrant cette ondulation qui fait discrètement gémir Antoine, Adrien la cultive jusqu’à ce qu’il se raidisse, en apnée, et lance une grappe de gouttes grasses qui retombent en pluie sonore sur la litière sèche, pantin qui tressaute alors qu’une paire de pognes le maintient fermement planté pour une sobre jouissance en retour.

Étuis, capote retirée et nouée, mouchoirs en papier, tout disparaît dans les sacs et, après un salut timide, Antoine s’éloigne. Sans un mot, j’entraîne Adrien faire quelques pas à l’écart, sous les grands pins aux troncs rosâtres qui filtrent les rayons du soleil déclinant.

- « serais-tu attristé, Toni ? »

De l’index, il a soulevé mon menton pour planter ses yeux vaguement interrogatifs dans les miens. Je ris, en secouant la tête.

- « C’est moi qui ai provoqué ça, non ? Une curiosité d’éthologiste ! » D’un large geste du bras, je montre les environs : « je découvre, j’observe les usages … Et puis, entre toi et lui, c’est du réchauffé … d’avant, non ? Pfff ! Presqu’un souvenir, alors. »

Je hausse une épaule désinvolte puis je me blottis contre lui, grignotant la fourrure de son torse de tous mes doigts en pattes d’insecte.

- « Mais ce soir, Adrien, avec qui souhaites-tu dormir ? »

Il sourit sans même répondre.


**Clarika chante « » fantasmes !

* « L’homme de Vitruve » célèbre dessin de Léonard de Vinci.

*Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus dévastait la forêt des Landes qui, pourtant, se remettait à grand mal de la précédente, en 1999.


Amical72

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