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12 | Réminiscence
Le récit de Julien
Couchés côte à côte sur mon lit, Jérôme et moi retrouvons nos souffles. Pourtant, dés qu'il fait mine de se relever, je le barre d'un bras.
-" Tout doux, le poilu! Ça, ce n'était que la première cartouche, tirée un peu trop précipitamment à mon goût."
Il se laisse retomber sur le dos avec un rire de gorge.
-" Comme tu voudras, j'ai encore tellement à apprendre et je suis là pour ça."
Je laisse filer quelques minutes, gardant les yeux fixés au plafond. Ce mec à côté de moi, sa vitalité, cette façon de bien vite sauter sur ses pieds, comme si de rien n'était, juste après avoir baisé ... est-ce pour tout effacer, renvoyer tout ça dans les limbes, s'en détacher ?
Cet entrain tonique a des traits familiers, quelques aspects chaleureux également qui sont pour moi autant de bons souvenirs ... mais à bien le regarder, incontestablement, il reste maculé de gêne, de cet embarras qui nous désarme, nous laisse pantois et sans réaction, incapable de l'élan généreux vers l'autre qui nous aurait rendu fier de nous-mêmes et aurait rempli nos interlocuteurs de gratitude. Or, cette inhibition-là, je m'en suis débarrassé depuis bien longtemps et je ne voudrais surtout pas la voir me rattraper.
J'imagine aussi qu'à devoir se bourrer la gueule pour parvenir, ensuite, à se faire bourrer le cul, il n'a qu'une approche un peu rudimentaire des rapports charnels entre deux hommes ...
Alors je me soulève sur un coude et l'invite d'un coup de tête à un rituel qui ne peut que le rassurer.
-"Allez, à la douche!"
On se bouscule quelque peu dans la ruelle étroite, j'en profite pour le congratuler de quelques tapes viriles et sonores dans le dos et sur son joli postérieur rond et ferme, comme le font les joueurs entre eux, que le match les ait vu s'affronter aussi bien que collaborer.
Je devine à son fin sourire qu'il n'est pas dupe de ma manoeuvre, facilement lisible j'en conviens, mais qui lui offre le support bien balisé des habitudes de vestiaires. Encore une fois, c'est le regard fixé au sol qu'il s'adresse à moi.
"Je ... je ne sais pas bien où je me trouve là, où je m'agite ; suis-je dans la partie officielle et éclairée de ma vie ou ... encore dans cette clandestinité invisible où je m'abritais ..."
-" Quand j'ai affronté la même situation que toi en ce moment, celle d'accepter en conscience mon désir pour les mecs, moi aussi j'ai suffoqué. Parce qu'on a aucune illustration à quoi se comparer, aucune référence, on se pense anormaux. Mais c'est la seule ignorance et ce silence pesant autour d'une réalité qui a pourtant existé de tous temps, dans toutes les sociétés qui nous la font tenir pour monstrueuse. Ceux qui restent étrangers aux troubles que nous traversons se sont appliqués à faire de nous des parias aux agissements diabolisés, des boucs émissaires quand nous ne sommes qu'une variation naturelle des possibles et que notre commune humanité nous confère les mêmes droits à la vie, au bonheur et au respect. Viens!"
Je le précipite dans la cabine de douche, d'abord dans un jeu, en le bousculant comme pour plaisanter, cherchant à le déséquilibrer pour mieux le retenir. Puis mes mains le contiennent sous l'eau brûlante et commencent à le couvrir d'une mousse que nos énergiques frictions, devenues réciproques, abondent et font gonfler. Elle nous recouvre, nous dissimule l'un à l'autre mais je vois cette fossette creuser sa joue au fur et à mesure que son sourire apparait, que son oeil se fait plus velouté ... Puis nous nous rinçons avec des gestes lents.
Il a pouffé et laissé retomber ses bras ballants et secouant sa tête de gauche à droite, comme s'il renonçait. J'ai guetté l'instant où il a relevé ses yeux dans les miens et j'y ai lu qu'il avait enfin basculé, qu'il se rendait à l'évidence de son désir. Alors je l'ai pris dans mes bras, mis ma tête à son épaule, ma bouche à son oreille.
-"Tu vois, ce n'est pas plus difficile que ça."
Je sens la chaleur de son érection se coller à moi mais je ne bouge pas, je l'attends.
Enfin, il se décide. A peine un glissement, une subtile inclinaison et nos lèvres se rencontrent, nos bouches se soudent, nos langues serpentent l'une vers l'autre puis s'emmêlent. Un vrai baiser long, savant, appliqué. Savoureux. Il se décolle, me regarde d'un air grave, comme s'il affrontait un moment crucial. Sa main saisit la mienne et il m'embarque jusqu'à ma chambre.
Il roule sur le lit, sur le dos, passe ses mains sous ses genoux pour relever et ouvrir ses cuisses musclées, me dévoiler, dans sa raie, ce joli trou du cul sombre que je dévore déjà des yeux.
- " Baise-moi."
La voix est sourde mais assurée et, d'ailleurs, il sourit.
Tu parles ! Baiser un joli petit taureau poilu comme ça, je ne vais sûrement pas passer mon tour. Il est bien trop bandant et j'ai une foule de propositions toutes plus malhonnêtes les unes que les autres à lui faire.
Pourtant, ne pas m'emballer, ne pas lui montrer trop d'empressement, ni céder à la pulsion impérieuse qui aveugle, mais calmer le jeu. Sortir du noir.
Rester dans l'échange, pour qu'il accepte son désir, considérer le plaisir à deux, pour le calculer ouvertement, consciemment, patiemment.
Je pose mes deux mains sur ses genoux, mes paumes les enveloppent, en envisagent l'arrondi, le polissent pendant que je considère le joli tableau offert entre ces cuisses dessinant un V : ce torse athlétique, ce ventre plissé sous l'enroulement du rein, la bite suintant dans son nombril et les couilles rondes noyées dans le scrotum détendu et réparties de chaque côté du raphé périnéal, cette raie écartelée et encore humide révélant ce petit rond plissé dont j'ai déjà gouté les délices, ce poil mousseux, léger, blond et frisé qui nappe le tout ... un beau mec !
Son visage s'est un peu figé, sa bouche s'est refermée en un pli volontaire, son regard clair m'interroge, incertain mais confiant ...
Alors je laisse lentement s'épanouir mon propre sourire tandis que mes paumes largement ouvertes glissent à l'intérieur de ses cuisses, mes doigts ratelant souplement ses poils en remontant, je hoche la tête ... puis je tends le bras.
De l'ongle du pouce, je fais sauter l'obturateur du flacon de gel dont j'inonde le bout de mes doigts, lentement, soigneusement, non sans lui adresser quelques coups d'oeil comme autant de promesses ... Je veux le baiser en pleine lumière et en pleine conscience.
Mes doigts remontent sa raie, s'attardent, redescendent et le majeur trouve sa voie, s'enfonce souplement. Ses yeux chavirent soudain, le sourire quitte ses lèvres, sa tête bascule vers l'arrière dans une grande inspiration. Là, voilà exactement ce qui lui fait perdre pied ...
Il retend sa nuque, entrouvre la bouche et, sous ses sourcils froncés, son regard retrouve le mien. Il parait incrédule, sidéré par ce qui survient, l'emporte, à quoi il ne peut résister et, à la fois, impatient de me voir poursuivre, le soulever encore. Une supplique silencieuse.
A laquelle j'accède très volontiers, mes doigts experts sont tout à son service. Les articulations des siens blanchissent dans leur application forcenée à maintenir l'écartement de ses cuisses relevées tandis que je creuse patiemment sa caverne somptueusement drapée de velours sans cesser de l'observer, de noter ses yeux qui roulent, ses paupières qui clignotent, ses épaules secouées de spasmes, sa bouche qui s'ouvre grand pour une aspiration, son nez pincé ...
Je me suis prestement capoté et je me suis tendu au dessus de lui, ses mollets en ressort à mes épaules. Je rabats ma queue dans l'axe et je plonge lentement en lui. Comme un couteau s'enfonce dans du beurre à température, et la sienne est élevée. C'est souple, c'est doux et je voudrais m'y perdre ... Il soupire de soulagement et j'entends que c'est d'avoir enfin trouvé un interlocuteur pour répondre à ses questions ... Une sorte de pacte tacite s'est conclu entre nous, précisément à ce moment-là.
La réminiscence de ces images, ces sensations retrouvées ont-elles provoqué un émoi naturel visible alors que je suis assis sur ce tabouret au bar du sauna ? Est-ce que Jérôme m'observait ? L'aura-t-il remarqué ? Soudain, il glisse furtivement sa main sur ma cuisse, la remonte sous ma serviette pour venir caresser ma bite en plein réveil du bout de ses doigts.
Puis il m'invite d'un coup de menton.
" Laisse jouer les gentils toutous qui rapportent la baballe à leur maitre ... Viens! "
Et aussitôt, je descends de mon tabouret pour lui emboiter le pas.
Amical72
*En 1949, Robert Rocca ( 1912 / 1994) chansonnier, nous parle d'une "petite ville aimable, comme chez nous on en voit tant" ... mais voilà, "dans c'pays-là, ils en sont tous" C'est, pour cette époque, .
Pour prolonger cette saison, un court métrage (14:12) sur ces mecs qui ne veulent pas rester, après : mais … qui finissent par craquer.
Fin de la saison 13 /Est-ce que vous suivez toujours les aventures de Julien ? Que pensez-vous de ce Jérôme qui déboule ? Ne me pensez pas indifférent à vos encouragements, ni à vos remarques, questions, suggestions ... toutes seront les bienvenues, elles alimentent l’écriture et je m’efforcerai de répondre à chacun d’entre vous aussi rapidement que possible.
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