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18 Mars

Grosse queue
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HISTOIRE

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Agriculteur | S9 Lecourt

11 | Réveillé

Le récit de Lecourt

J’ai rentré la jeune jument au box ; c’est moi qui l’ai fait naître, celle-là. Elle a cassé son dos et ne devrait pas tarder à pouliner. C’est son premier alors je n’en suis que plus attentif et je dors dans la paille à l’écurie depuis deux jours. On dira ce qu’on voudra mais ça ne vaut pas mon lit ! Pour l’instant, la jument mâchonne calmement son foin et je m’autorise le temps d’aller à la gare, la mise bas ne devrait pas se faire avant la nuit.

Julien en sort parmi quelques voyageurs, il les dépasse d’une tête. Il repère le véhicule et s’approche, sac à l’épaule et un sourire s’élargit sur ses lèvres. Moi aussi, je suis content de le voir de retour. Je me penche pour lui ouvrir la portière, je me redresse en laissant traîner ma main … Et il s’assoit, dessus comme de juste.

- « Merci patron »

Il me regarde, l’œil pétillant. Mais pour le travail, je n’ai pas envie de cette politesse trop convenue, je préférerais une entente moins formelle mais plus franche et sincère.

- « Si chacun fait ce qu’il croit bien du mieux qu’il peut, pas besoin de dire merci, Julien »

- « Mais je voulais vous dire, je suis content, patron »

En fait, moi aussi, Julien ! Mais moi, je ne sais pas le dire malgré cette joie au ventre et cette impression que tu rentres simplement à la maison. En attendant, il faut que tu délivres ma main … Mais tu détournes les yeux pour regarder devant toi.

- « C’est juste bon, patron »

Je ne réponds rien alors tu soulèves une fesse lentement et je retire ma main, en la retournant pour une caresse fugitive. Avec un sourire amusé.

Quand nous entrons dans la pénombre de l’écurie, la jument hennit faiblement. Elle souffle, ses flancs pommelés frémissent. Inquiète, elle tourne en rond dans le vaste box. Je la caresse, me penche pour tâter son pis gonflé. Il se pourrait bien que la mise bas soit proche.

Pendant que Julien part à la cuisine chercher notre casse-croûte, je pose une bande de queue et je m’assure, une fois encore, que mon matériel est bien là, au complet.

Nous partageons les victuailles qu’a préparées Monique puis nous nous installons enroulés dans nos couvertures. Dans le calme qui règne, la jument souffle fort, ne cesse de se tourner, retourner, elle se couche, se relève … Je me lève pour me glisser dans le box. Elle hennit à bas bruit, de brèves contractions font tressauter son gros ventre irrégulièrement et, d’un coup, c’est la rupture, la cataracte. C’est parti !

La jument s’est couchée sur le flanc et, déjà, la poche amniotique est rompue, la pointe d’un sabot dépasse de sa vulve. Lorsque le second antérieur apparaît, je peux m’emparer des deux et aider le travail, en rythme avec les contractions. Puis le mufle pointe. Une fois la tête sortie, c’est la difficile expulsion des épaules puis le corps suit. Encore un effort au passage du bassin puis viennent les postérieurs. Je traîne le nouveau-né pour le présenter à sa mère qui aussitôt le sent pour le reconnaître et commence à le lécher pendant que j’écrase le cordon d’un coup de pince avant de le désinfecter à la teinture d’iode à deux pour cent.

Immédiatement à la suite, j’administre le sérum antitétanique au poulain et le bouchonne avec des poignées de paille. La jument s’est relevée et le stimule de son nez, alors qu’il tente de se lever à son tour. Je suis extrêmement concentré, tout à mon affaire, mais, soudain, je réalise l’absence de Julien qui fait naître le regret d’une occasion manquée. Il doit dormir.

Le poulain a réussi à trouver un équilibre tremblotant sur ses quatre membres et cherche intuitivement la mamelle où il pourra boire le précieux colostrum. C’est un mâle d’un gabarit moyen, c’est fréquent pour le premier né, mais il montre une belle vitalité dés qu’il se met à téter.

Soudain sa mère couche ses oreilles et tourne précipitamment d’un quart dans le box. Mère protectrice, elle s’interpose entre son rejeton et un Julien ébouriffé et encore ensommeillé.

- « Bien dormi ? »

Il se place à mon côté et, ensemble, nous contemplons quelques minutes le touchant tableau de cette nativité rustique qui est, pour moi, une des satisfactions profondes de mon métier. Je crois deviner, à son expression, à ses précautions, qu’il y est indéniablement tout aussi sensible. Et je suis heureux de découvrir que ce jeune homme me rejoint dans cette joie essentielle. Une proximité. Une de plus.

Le placenta, expulsé à la suite, me semble sain et complet, la naissance s’est déroulée au mieux. Maintenant, la jeune mère recommence à mastiquer tranquillement son fourrage et, soudain, toute la fatigue et les tensions accumulées écrasent mes épaules.

- « Laissons-les maintenant »

J’éteins et nous sortons pour rejoindre le vestiaire.

Je me laisse tomber assis sur le banc et, aussitôt, Julien est à genoux et m’aide à me déchausser. La fatigue me terrasse, pourtant, je dois absolument prendre une douche pour me débarrasser de toutes ces effluves animales avant de rejoindre la grande maison. A peine ai-je ouvert l’eau que Julien est dans mon dos. Il me saisit fermement à deux mains et entreprend de me guider. Il a les mains déterminées d’un soigneur après un rude combat, des mains qui pétrissent, massent et détendent, des mains réparatrices et clairvoyantes qui délassent mes épaules, dénouent ma nuque, effacent la migraine de mes tempes, des mains fraternelles à qui je m’en remets, tout simplement et sans aucun embarras, sans même cette crainte d’être redevable ou de contracter une dette, dans un abandon confiant tellement contraire à mes habitudes paysannes que je m’en étonne moi-même.

Puis il m’administre une de ces petites claques sèches sur le cul que j’imagine appartenir au folklore des vestiaires et je m’ébroue.

- « Sapristi, ça fait du bien ! Bonne nuit Julien »

Et je le plante là. Selon la règle de conduite que je me suis fixée et à laquelle je ne saurais déroger. Jamais.

Au réveil, ma première pensée va à ma jument. Je la trouve à mâchonner calmement son foin. Son petit se colle à son flanc puis, rassuré, il fléchit l’encolure à la recherche de la tétine qu’il aspire bruyamment. Me voilà tranquille, tout va bien.

Je retrouve Julien attablé dans la cuisine. A son « bonjour patron » joyeux et sonore, Monique se retourne et sourit. Là aussi, tout semble aller bien.

Je l’entraîne à ma suite … en passant par la cour. Comme je l’avais imaginé, il lorgne sur la remorque et m’interroge.

- « Ça va mieux comme ça ? »

D’un geste du bras, je l’invite à atteler. Il manœuvre, s’arrête, descends les sourcils froncés, vient vérifier ... Je m’approche et lui tapote l’épaule, rassurant.

- « T’as fait du bon boulot, gars Julien »

Il m’a saisi la main et la fait glisser sur sa fesse.

- « Je mérite plutôt une fessée, ce serait plus juste, patron … » et il ajoute l’œil pétillant « et pas désagréable. »

Ce sourire ... puis, aussitôt, il retrouve son air sérieux et me plante là pour réparer son oubli.

Quand il vient me retrouver, le nez en l’air, les mains aux poches, je SAIS qu’il a fait le job, rien qu’à sa mine … mais j’y lis également autre chose, une disponibilité enjôleuse qui me serre le ventre et dont je ne sais … Alors je cède à une impulsion, j’improvise, on verra bien.

- « Viens, je veux te montrer quelque chose. »

Je l’emmène voir les prés bas, à nos pieds le long de la rivière. On vérifie sommairement les clôtures. Je lui explique les crues d’hiver qui chassent le bétail en sécurité vers les prés hauts, sur le coteau où nous nous tenons, sur quoi ouvrent des barrières avec, dans un repli de terrain derrière nous, la grangette où paille et fourrage seront stockés en prévision … Mais il regarde fixement la béance sombre entre les deux portes de bois ouvertes au soleil.

- « Patron … Patron, j’ai quelque chose pour vous »

Il s’est tourné vers moi, poing fermé au bout de son bras à l’horizontale. Je tends ma main, paume ouverte vers le ciel et il y dépose un étui carré en carton qu’il s’empresse d’y déplier.

- « Je vous explique, patron : cet emballage, c’est pour la sécurité et celui-ci pour faire glisser »

Puis il se retourne et s’avance calmement jusqu’à l’intérieur de la grange. J’entends le zip de sa cotte qu’il chasse de ses épaules, un côté puis l’autre, d’un vif balayage de la main opposée.

J’avance tel un automate derrière lui, la bouche sèche. Il s’arrête, enroule son dos, croise ses bras, les relève. Son tee-shirt s’envole par dessus sa tête puis de la pointe du pied, il envoie bouler ses deux chaussures, descend à fond le zip de sa combinaison et la retire, en équilibre, debout, une jambe après l’autre. Un triangle de poils frisés ombre ses reins, comme un nuage vaporeux au-dessus de son slip bariolé et mou qui pendouille, informe, mais laisse deviner des fesses charnues.

Un essaim d’abeilles dorées tournoie autour de moi, leur bourdonnement m’assourdit, l’éclat de leur ailes vibrionnantes m’éblouit, j’avance timidement ma main qui vient s’arrondir autour de sa taille et aussitôt, la sienne vient fermement la recouvrir et sa chaleur, son poids, sa réalité tangible me tirent de ce songe.

Il est là, bien réel, je le touche et l’attire à moi, tout contre moi. Il renverse sa tête en arrière, son occiput à mon épaule, les yeux clos puis il murmure, comme épuisé.

- « Putain, j’en ai envie ! J’en ai envie depuis que j’ai vu le C15 en sortant de la gare, non ! Depuis que j’ai reçu les horaires en fait, non depuis… »

Mon autre main vient caresser sa hanche, glisse et s’insinue dans son slip, écarte les poils entremêlés de son pubis pour attraper son paquet à pleine main, ses boules et sa queue bandée, que je serre comme on prend un outil en main. D’un mouvement sec du bras, j’escamote le slip, les dégage et, le soutenant d’un bras, je me penche … et j’engloutis sa belle queue suintante. Sa délicieuse sucrerie. Je la suce. Goulûment. Qu’elle fonde.

Brusquement, il se dégage, me redresse et déboucle mon pantalon qui tombe à mes chevilles, tire sur mon slip et fait bondir la mienne. Il la poursuit, bouche ouverte et l’aspire, à genoux. Il coulisse sur ma queue puis stoppe et sa bouche, sa langue, son palais frémissent en me prodiguant mille cajoleries qui suspendent mon souffle.

Puis, plus rien !

Il a tendu son bras vers le haut, paume ouverte à plat, en mendiant qui attend ... Je … Je ...Ah ! Voilà … Je me contorsionne, fouille mes poches, m’embrouille … et j’y dépose les deux étuis.

Il me lèche maintenant la tige à plat langue, tête mon gland au passage puis recommence à détremper mon mat. Il a sorti la langue pour soutenir mon membre luisant de salive et, ogre à la bouche béante, me regardant par en dessous, il déchire l’étui et me gaine adroitement de latex. La fine membrane me comprime au fur à mesure qu’il la déroule et, des deux mains, il me masse, me pétrit, s’aventure. Il déchire le second étui et recommence. Il a mille doigts que le gel rend plus agiles et insaisissables. Ils batifolent et m’affolent.

Il me doigte.

STOP ! L’infinie volupté de ses enjôlantes caresses n’a pu désamorcer le réflexe de l’interdit absolu. Je ne peux PAS complètement m’abandonner, j’ai promis … le tabou ne pourra tomber que lorsque j’aurai enfin rempli mon devoir.

Alors il fait souplement machine arrière, se retourne et maintenant, enduit ostensiblement de gel son joli trou du cul qu’il ouvre d’un doigt. Une invite. Je suis déjà collé contre lui, substituant avec impatience mon doigt au sien, y ajoutant un second pour détendre son sphincter. Il se prête si complaisamment au jeu que j’empoigne ma queue, passant outre son emballage qui me déroute. Je l’engage d’un sec coup de rein et je la sens progresser doucement en lui. Délicieusement.

- « Là, là, ça va aller »

Je perçois son appréhension et mes bras l’enveloppent pour la dissiper au plus vite ; le rassurer, l’apaiser pour qu’il partage au plus vite ma félicité et ma certitude : nul douleur ne pourrait venir strier cet instant de plaisir inouï.

D’ailleurs, ses fesses pressent maintenant mon pubis et, sous mes caresses, je le sens frissonner à son tour, tétons dressés. Il casse son rein et se penche vers l’avant mais je reprends les choses en mains, écartant ses pieds, une main tirant à moi son épaule et l’autre, à plat, creusant sa cambrure pour nous encastrer plus étroitement.

Immédiatement se déclenche le réflexe de nos balancements, dans une opposition symétrique qui tantôt nous sépare, tantôt nous rapproche. A peine marqués d’abord, pour nous accorder, puis la machine se lance, développe sa course et prend de l’amplitude, mais toujours lentement, retenue, pour privilégier la glisse et faire monter la pression. Depuis mes reins, un courant électrique circule et horripile chacun de mes poils.

Alors tout lâcher, larder puissamment son cul qu’il m’offre comme un défi, solidement campé et les mains étayées à ses genoux pour me résister ; le mitrailler de petits coups secs jusqu’à ce qu’il gémisse et ensuite nous rassasier de longues coulées voluptueuses, comme un rabot pèle la planche de longs et fins copeaux jusqu’à obtenir le frisson du sensible, sentir sa respiration qui enfle et notre acmé approcher.

Il m’a échappé. Volontairement.

Lui ai-je fait mal d’une quelconque manière ? En réflexe, je l’ai retenu d’un bras et mon doigt a trouvé son puits, chaud et velouté où il a plongé. De sa main, il écrase alors la mienne dans sa raie en suffocant. Voilà que, maintenant, il viendrait me retenir ?

Et voilà que les contractions de son antre réclament aussi, que le calme revient, et le désir.

Je le caresse, souffle un filet d’air sur sa peau. Il se détend, ouvre ses cuisses et ses couilles roulent dans ma main. De l’autre, je place ma queue et c’est lui qui revient la dévorer, très lentement. A la fin, j’enroule une jambe à la sienne pour nous arrimer l’un à l’autre, solidement nous souder alors que ma main vient s’enrouler autour de sa bite raide.

Il a retrouvé cette respiration, inspiration précipitée et souffle puissant, sur laquelle il vient se caresser souplement sur ma queue en lui. Je mouille ma paume de salive pour administrer à sa queue tendue quelques uns des raffinements manuels qu’une longue pratique m’a révélés. Je le sens qui monte, inexorablement.

- « Là, c’est bon, oui, viens maintenant, lâche tout… »

Il se tend, il se tend… Dans un spasme, il envoie son foutre en panaches et je le rejoins à mon tour en grognant comme un ours. Je ne m’accorde que le temps de retrouver mes esprits et, l’entourant de mes bras, je l’allonge dans la litière de paille avec mille précautions. De la pointe d’un doigt, je dessine des volutes sur sa peau, collectant les traces de son foutre pour coller ses poils en errant ça et là puis je viens en souligner sa lèvre.

Il a soudain happé mon doigt et le suce, ses yeux plantés dans les miens. Le regard déterminé, il renverse les positions et me couche sur le dos. Sa main retire la capote de ma verge flaccide qu’il vient lécher. Je m’abandonne, il me prend délicatement en bouche.

Ses attouchements, ses rapides coups de langue puis sa pipe veloutée ne tardent pas à me rendre une vitalité que je pensais enfuie. Je me laisse porter par le bonheur de cette vague de sensualité retrouvée, par les caresses subtiles qu’il déploie, où je me perds à dessein, jouant les somnambules.

Il a englouti ma bite et m’a fiché un doigt. Un éclair m’a instantanément tétanisé puis je me suis livré entièrement, à son doigt qui me creuse, à sa bouche qui s’efforce de me dissoudre. J’ai saisi son épaule d’une pince de fer, mon ventre se vide et se gonfle alternativement pour jouir à plein de l’extase qu’il m’offre, en ogre affamé et dans une tension désespérée qui me soulève en arc entre les talons et les épaules, je tente maladroitement de m’enfoncer jusque dans sa gorge pour l’éclabousser de mes panaches de foutre.

Je retombe dans un profond soupir. Vidé, détendu mais comme ensoleillé. D’une main, j’ai maintenu sa tête sur mon ventre, j’ai soulevé mes fesses pour retirer son doigt que j’ai gardé emprisonné dans l’autre. Je le caresse, le serre contre moi. J’attends que le vacarme des cloches qui carillonnent à mes oreilles se calme … Je me racle la gorge, pour chasser ce chat qui l’obstrue et enfin respirer à pleins poumons, libéré.

Je perçois à nouveau l’air frais sur mon visage, les bruits qui m’entourent sonnent plus clairement à mes oreilles, la lumière qui entre par les larges portes me semble, elle aussi, plus franche. Je me dégage de Julien avec mille précautions et me redresse sur mes deux jambes, à demi empêtré dans mon pantalon. Je me campe solidement, bassin en avant et, face au monde, je pisse d’un majestueux jet courbe.

Il bondit sur ses pieds et, nu, se place à mes côtés pour m’imiter en riant. J’en souris en branlant la tête, amusé par son jeu puéril. Et pourtant …

Le temps pour moi de me rajuster, il est parti à la recherche de ses frusques dispersées. Je m’approche, le saisis par un bras, plonge mes yeux dans les siens quelques instants. Il les écarquille, surpris, un petit sourire au lèvres, mais dans ces deux flaques profondes et pétillantes, je ne lis aucun remord, aucune gène. Que cette joie comblée ! Elle autorise la mienne.

Je sors l’attendre sur le terre plein devant la grangette d’où je contemple la rivière en contrebas. Le monde n’est en rien bouleversé, l’eau s’écoule calmement sous la voûte du ciel qui, elle non plus, ne s’est pas écroulée. Je suis invisible et, pourtant, terriblement certain d’être bien vivant. Et comment !

Dans le C15, je demande à Julien s’il souhaite persister à utiliser ces protections, faisant appel à son sens des responsabilités mais sans ajouter qu’elles me sont trop étrangères, comme une entrave, des fers de forçat. Je ne sais que trop combien ma vie sexuelle est paisible et sans surprise. Et donc, sans risque. Je lui jette un coup d’œil en coin, pour voir s’il a bien perçu que ma proposition sous entend, en creux, une envie de poursuivre nos fredaines mais je le trouve perdu dans ses pensées. Il opine de la tête silencieusement.

Un peu plus tard, dans la cuisine, je claque joyeusement des mains pour convoquer Monique, qu’elle nous ouvre ses réserves de victuailles, comme lorsque mon père récompensait d’abondance ceux qui avaient durement travaillé physiquement pour son compte. Puis je descends à la cave ; j’en rapporte un flacon dont je brosse l’étiquette en disant qu’il conviendra parfaitement à l’occasion. Et comme Monique joue les étonnées et s’enquiert de quelle occasion il s’agit, je réponds simplement :

- « Il fait beau, Monique, il fait beau ! Il faut s’en réjouir ! Sors-nous les verres »

Et sous l’œil ravi de Monique qui n’est jamais si heureuse que lorsqu’elle remplit la panse des hommes, j’entreprends, en retour, d’éveiller le palais de ce jeune homme qui a su balayer toute culpabilité et m’a donné à partager de si somptueuses ripailles.

J’ai « naturellement » ramené Julien au lycée ce lundi matin et, quand il pose la main sur la poignée pour sortir de l’habitacle, je le retiens, fouille ma poche et lui tend le billet qu’en prévision j’y avais glissé : « pour ton voyage ».

- « Même horaire, patron ? »

J’acquiesce. Je me sens un peu minable de ne pas parvenir à dépasser ma fichue retenue même si j’ai perçu, à son sourire, que le non-dit était parfaitement déchiffré. Alors, pris d’une impulsion, je m’arrête sur le parking visiteurs pour aller saluer Louis. Il traverse justement le couloir quand il m’aperçoit ; il s’immobilise, sourcils levés pour marquer son étonnement.

Je souris en adoptant un air bonhomme, mains aux poches, enroulant les épaules.

- « Julien est revenu aux Chênaies, comme je lui avais proposé. » J’appuie ma moue appréciatrice. « C’est un pro, ce garçon ! Il a réparé mon auto chargeuse comme un chef. » J’ai laissé un blanc. « Ce sera un bon stagiaire. »

Louis sourit de satisfaction, me tape sur l’épaule et sa validation atténue quelque peu la responsabilité de ma décision. Mais ce n’est pas ce que je suis venu dire, je le comprends au moment où les paroles franchissent mes lèvres.

- « Et sa jeunesse joyeuse nous a tous réveillés, même la cuisinière s’est mise à chanter. »

Parfois, une subite trouée dans les sombres nuées qui nous écrasent nous permet, un instant, de voir clair en nous.

- « Nous chargeons nos épaules de trop de craintes redoutées, nous croyons porter le monde alors que nous ne traînons qu’un fardeau de noires prémonitions qui ne fait que nous cacher le ciel. »

Il a ri et nous avons pris le temps de partager un café. Ses deux enfants vont bien.

De toute la semaine, je n’ai pas pensé à Julien. J’avais, bien calée dans la tête, la certitude qu’il allait revenir sitôt la fin de ses cours.

En revanche, et c’est un petit coup de canif dans la fameuse cloison étanche, la patronne n’a pas pu me dissimuler ses nausées et ses vertiges.

Ce n’est pas la première fois mais ça s’est toujours terminé en échec jusque là. L’enjeu est pourtant d’importance, interrogeant notre légitimité à tous deux, elle comme épouse d’un « propriétaire » à qui elle « doit » donner un héritier et moi, tenu par mon serment de transmettre dont je pourrais être, enfin, délivré en y satisfaisant.

Étonnamment, cette fois, j’aborde cette circonstance en demeurant extrêmement calme, car l’importance de l’issue ne parvient pas à me masquer … que je n’y peux pas grand-chose de plus sinon être attentionné et rassurant.

Soudain, je prends pleinement conscience … de mon équilibre sur mes deux jambes. Non que ce jeune blanc bec, que je connais si peu encore, se retrouve hissé au rang de confident ou de soutien, mais sa seule présence a contribué à créer -ou re-créer- un espace où cette inquiétude existentielle est mise à distance, où je m’apaise.

Lorsque je reviens, je me sens comme réveillé, que mon discernement est encore plus aiguisé. Il me semble que je suis prêt à faire face à tout aléa qui pourrait survenir.

Amical72

* « Font leur pipi contre les murs / Quelquefois même sur leurs chaussures / Pisser debout ça les rassure / Les z'hommes » L’impitoyable Henri Tachan nous parle de notre

* "Si la photo est bonne / Qu'on m'amène ce jeune homme / Ce fils de rien, ce tout et pire / Cette crapule au doux sourire / Ce grand gars au cœur tendre / Qu'on n'a pas su comprendre / Je sens que je vais le conduire / Sur le chemin du repentir ..." Barbara s'éprend de

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