Cyrillo

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CAFE TURC

Il y a des jours comme �a o� le vague � l'�me vous laisse m�chamment d�river vers le port de l'angoisse, en vous recouvrant progressivement d'une mer infiniment froide. Ce soir, en escale d'une nuit ici � Istanbul, j'ai du mal � vivre mon existence de voyageur sans fin, faux solide qui se donne des airs mais vrai solitaire perdu dans l'univers.

Lorsque la nuit est tomb�e il y a quelques minutes, les appels � la pri�re, �mis de tous les minarets de cette cit� mill�naire, ont submerg� la ville, parcouru chaque colline, jouant des �chos pour se fondre en un souffle unique, un cri interminable, une plainte aigüe s'�levant vers le ciel lumineux, une supplique polyphonique r�clamant une protection divine pour panser les plaies de la souffrance humaine. Mais la beaut� et la puissance de ce vacarme religieux n'ont en rien att�nu� ma douleur sourde, accentuant au contraire l'�tranget� de ma vie. J'ai su une nouvelle fois � cet instant que j'�tais un �ternel �tranger, d�muni de tout passeport pour p�n�trer le monde incompr�hensible de la normalit�, celui de l'espoir d'�tre et de devenir, et d'�migrer peut-�tre au pays du bonheur. Tout homo, un jour, une nuit, parfois des milliers de jours et de nuits, se retrouve seul avec ce sentiment de n'appartenir � rien, de venir du rien et de n'aboutir qu'au rien au fil d'un long destin terrestre essentiellement physiologique. C'est probablement l'absence de paternit� qui ouvre cette impasse du vide, qui creuse cet enfermement, cette d�sesp�rance, puisqu'il n'y a personne, ici, l�, aujourd'hui comme � l'heure de la mort, � qui transmettre son �me, le capital muet de toute une vie, et avoir alors ne serait-ce que l'illusion d'atteindre une parcelle d'�ternit�.

Je me couche et m'endors en quelques minutes, assomm� par mon mal-�tre. Je ne sais pas pourquoi ce piquet ne s'enfonce pas. Et paf, et paf, et paf, trois coups de massue plus tard, il reste obstin�ment immobile, refusant de s'enfoncer dans la terre. Je recommence, et paf et paf et paf, et il me nargue toujours. D'ailleurs, apr�s quelques secondes, il se met � me parler. " Good morning ", qu'il me dit d'une voix douce et aimable. Et le ciel devient soudain tr�s clair, me for�ant � ciller des yeux, pour d�couvrir, h�b�t�, que les rideaux viennent de s'ouvrir, la lumi�re a envahi la chambre et le piquet me redit gentiment Good morning. Il a une veste blanche, un pantalon noir et un tr�s beau sourire. J'avais demand� hier soir au " room service " le petit d�j' � 8 heures, il a frapp� deux fois � la porte et, dans mon silence, a utilis� son passe pour entrer.

C'est un gar�on jeune, probablement moins de 25 ans, assur�ment Turc, portant toute la beaut� de la M�diterran�e sur son visage aux courbes parfaites, l'ombre discr�te de la barbe sur sa peau mate, un nez fin et long, des yeux sombres mais p�tillants de vivacit�, une bouche tr�s dessin�e aux l�vres charnues ouvertes sur ce sourire �clatant de blancheur. Dans la torpeur de mon r�veil j'essaie de faire � mon tour bonne figure, je dois avoir les cheveux en bataille et peut-�tre des z�brures d'oreiller sur les joues, mais avec mon acquis d'homo patent� je sais que seul compte le regard, alors je balance dix millions de neurones dans chacun de mes nerfs optiques pour tenter de produire des �tincelles d'intelligence et de charme dans mes pupilles, et, � d�faut d'hypnotiser ce gar�on, d'avoir au moins l'espoir de capter une fraction de seconde son attention.

Succ�s mitig� : son sourire ne varie pas, semblant n�anmoins sinc�re et non de pur service, mais son esprit est occup� par la question terriblement cruciale de savoir o� poser le plateau du petit-d�jeuner, objet de sa visite matinale que j'ai quelque peu oubli�. D'une demi-phrase et d'un geste je r�sous son dilemme en lui indiquant de le placer sur les draps devant moi, � hauteur des genoux tandis que j'allonge bien les jambes pour faciliter l'atterrissage. Je le remercie et je cherche en urgence autre chose � dire, quelques mots aimables, un compliment, ou bien une question � la con, bref un pr�texte pour le retenir afin de le brancher plus s�rieusement. Mais dans mon �tat embrum� de r�veil + 1 minute et ayant concentr� tous les neurones disponibles entre mes paupi�res, plus aucun n'est en service pour la parole et j'�choue lamentablement � aligner trois mots de plus. Mon beau Turc me souhaite une bonne journ�e de sa voix savoureuse et s'�loigne en quelques pas vers la porte de la chambre. A l'instant o� il va dispara�tre, il tourne une derni�re fois la t�te, nos regards se croisent, je reste tout b�te, la bouche ouverte, muet, clou� de surprise et d'espoir confondus, et la porte se referme lentement.

Et l�, et l�, Zorro arrive. Je ne sais pas comment me vient l'id�e, bien trop rapide pour que j'en remonte la cha�ne dans mon cortex encore froiss� de sa nuit de sommeil, un dixi�me de seconde d'illumination et avant m�me que je comprenne ce que je fais je donne une grande baffe au pot de caf� qui se renverse sur le drap et je pousse simultan�ment un cri strident, un HHHH !!! terrifiant de puissance qui, perceptible � 7 kilom�tres � la ronde, a le pouvoir logique de faire se rouvrir la porte � 7 m�tres de l�. Le serveur se pr�cipite dans la chambre, constate imm�diatement les d�g�ts, et moi j'encha�ne le sc�nario dont je suis l'acteur presque involontaire, d�pass� que je suis par son auteur, sans avoir eu le temps de lire et r�p�ter avant les dialogues, premi�re prise ! moteur ! �a tourne !, je pilote la sc�ne au plus serr�, en spontan�, tout s'entra�ne parfaitement, j'aurais du faire show biz dans la vie plut�t que stew. Le gars saisit en une seconde la cafeti�re renvers�e, retire le plateau du drap et le pose par terre, et moi je fais mine d'�tre br�l� par le caf� chaud qui a travers� le drap, alors d'un grand geste brusque j'envoie valdinguer ce drap au pied du lit, et voil�, monsieur le pr�sident, messieurs les jur�s, monsieur le repr�sentant du parquet moquett�, madame la greffi�re aigrie et chers amis, comment, en toute innocence je le jure, je me retrouve � poil, exhib� nu de nu devant ce joli gar�on aux l�vres si attirantes.

Franchement, vous y croyez, vous, � cette histoire ?? Ben si, faites un effort, c'est v�ridique, et ne soyez pas autant jaloux d'Oliou si depuis des ann�es vous avez pour votre part loup� tous vos fantasmes de grooms et serveurs d'h�tels, et b�nissez moi plut�t de vous avoir fourni aujourd'hui dans mon blog la formule magique, l'id�e g�niale de la cafeti�re renvers�e que vous pourrez tenter, la fois prochaine, de reproduire sans m�me me verser le moindre droit d'auteur. Maintenant que vous avez la recette, faudra encore transformer l'essai...

Pour moi �a se passe bien, merci, car dans les secondes qui suivent la r�v�lation du caract�re indiscutablement m�le de ma personne alit�e, le serveur t�moigne envers ce client d'un sens de l'initiative qui m�rite assur�ment une promotion au rang de super chef. Voyant en effet que j'essaie - avec une fausse maladresse - d'essuyer mon pubis et les trois pi�ces suppos�es �chaud�es au go�t de l'arabica, il prend la serviette ainsi que les choses en mains, commence � tapoter l'ensemble � coups rapides mais pr�cautionneux, avant carr�ment de soulever ma queue d'une main et de l'envelopper de l'autre dans le tissu pour la faire s�cher. Je regrette qu'il ne dispose pas d'une troisi�me main pour s'occuper en m�me temps des couilles, mais ce n'est finalement qu'une question de secondes puisqu'il y vient tr�s vite, les prenant aussi dans sa paume pour les effleurer et les langer.

On a toujours dit que le caf� �tait un puissant excitant, je confirme : en quelques secondes ma bite grossit, durcit, se redresse, s'�rige, et le gar�on revient s'en occuper, une main nue, l'autre toujours enserviett�e, comme si les instructeurs de l'�cole h�teli�re lui avaient prescrit de ne jamais abandonner le nettoyage d'un objet tant qu'il ne resplendit pas de tous ses feux. Alors, il va et vient, et vient et va, et recommence encore. Moi, sauf � cet endroit-l� de mon corps, je reste inerte, victime malheureuse d?un accident (de cafeti�re !), bless� soumis aux ordres et au savoir-faire de l'�quipe de secours. Du savoir-faire il en a, d'ailleurs il doit avoir son certificat complet de secourisme, sp�cialiste des urgences caf�in�es avec option pompier pour br�lures graves, car, apr�s avoir d�tourn� sa t�te pour se mettre d'accord avec mon regard et admirer la b�atitude de mon sourire, il s'approche de ma queue, sort la langue et se met � la l�cher avec application de la base jusqu'au gland, avant d'�touffer d�finitivement l'incendie en engouffrant le membre jusqu'au fond de sa gorge, me d�clenchant un rugissement de plaisir � faire r�ler d'envie Saint-Pierre ouvrant les portes du paradis.

Je me dis qu'un tel �lan de g�n�rosit� ne peut rester sans r�plique, et, pendant que le gar�on, courb�, s'applique � t�ter le manche, j'attire son corps plus pr�s du lit et fonce dans l'entrebaillement de son pantalon. En glissant ma main dans son slip, j'ai soudain l'impression de vivre le tirage du loto, celui que l'on pouvait voir � une �poque � la t�l�, avec une animatrice nunuche qui enfouissait son bras � la verticale dans une immense sph�re en regardant droit devant en-pr�sence-de-Ma�tre-Etalon-huissier-de-justice, et elle p�trissait les boules et les roulait et te les malaxait encore et te les caressait une louche de plus avant enfin d'en sortir une au hasard et de l'exhiber devant la cam�ra en clamant " 69 ! " avec un ravissement extatique qui te faisait supposer qu'il devait y avoir quelques semaines voire une lune que son jules ne lui avait pas jou� le m�me num�ro pr�cis�ment dans cette m�me zone. Sauf qu'ici il n'y a ni cam ni Ma�tre Etalon pour t�moigner, mais seulement moi et mon beau Turc, dont les boules ne sont qu'au nombre de deux, ce qui, reconnaissons-le, facilite le tirage, mais tellement imposantes, gonfl�es et chaudes dans ma main que je ne me lasse pas de profiter d'abord de leur grattage. 100% des gagnants ont jou� et je le prouve : moi je joue et rejoue � choisir ma boule pr�f�r�e au hasard de mon exploration aveugle, en sachant d�j� que j'ai gagn� le grelot avec chacune des belles cloches que je tire ding-dong de mes doigts tandis qu'au-dessus un campanile dur comme la pierre s'est d�j� fi�rement dress�.

Av� Maria dit ma petite voix int�rieure, la messe va pouvoir �tre c�l�br�e. En attendant, retour � mon private loto et que je te palpe la droite et que je t'empaume la gauche et que je te soup�se le tout et que je te prends le lot, faites pas de papier cadeau c'est pour consommer tout de suite. De ma main libre, l'autre conservant le tr�sor bien au chaud, je d�fais le bouton du futal, d�zippe la fermeture en un �clair, justifiant l� son c�l�bre nom, et d�voile une magnifique cath�drale de tissu, pas byzantine, c'est �tonnant ici, mais bizarrement baptis�e du nom de Calvin (Klein), dont toute la richesse int�rieure, � savoir le pieu de culte, pointe d�j� vers les cieux. Allez ! Louya et tous ses saints, que ma volont� soit faite, que mon r�gne arrive, mon jour de gloire est arriv� et Oliou est notre seigneur ! Je vire le futal, mets le gars � califourchon au-dessus de moi sur le lit et tends la langue pour recevoir l'hostie format m�ga de ce dr�le de cur�, sans qu'il ait besoin d'ajouter "Ceci est mon corps" vu qu'il y a des �vidences qui ne se discutent pas dans de tels moments.

La queue est �paisse, palpitante, clean et sentant bon, comme je les aime, et je commence par l�cher sa base, � la jonction des couilles, pour descendre d'un long mouvement continu jusqu'� sa pointe, puis je la pompe � toutes forces en c�l�brant la communion de toutes nos religions d'Occident et d'Orient, la confusion des genres, le m�lange des calices, la fusion mondiale, et qu'on ne me dise pas que la Turquie n'est pas int�grable � l'Europe alors que deux des plus �minents citoyens de la Francia et de la Turquia sont, de bouche en queue et vice versa, en train de prouver le contraire en ne formant plus qu'un seul corps.

Le gar�on veut d'ailleurs probablement gagner son visa dans la course europ�enne car il acc�l�re son rythme dans les derniers m�tres et je sens ma jouissance arriver �-la-vitesse-d'un-cheval-au-galop, ce qui me fait penser aussit�t, au risque de court-circuiter mon excitation et de transformer le tsunami annonc� en vaguelette de port de Saint-Tropez, que je ne suis jamais all� au Mont Saint-Michel, m�me si j'ai connu quelques Michel et une poign�e de seins et surtout parcouru beaucoup d'autres monts, tant et tant de monts, le Dain avec Alexandre-Iseult, le Dial avec ce footballeur rencontr� en 98 qui allait droit au but, le Strueux avec ce d�cati boutonneux aux joues tombantes comme des cr�pes gorg�es de miel, le Gol avec cet a�rostier qui m'emmena au 7e ciel en poussant les feux sous la toile et en jetant tout son lest sur la couette, sans oublier le Mont Age avec un beau m�canicien sp�cialiste du pot chez Speedy mais pas �jaculateur pr�coce pour autant.

Alors finalement, je me dis que le Saint-Michel pourra attendre une prochaine vir�e pour que je m'emmouve dans ses sables et je me reconcentre aussit�t sur Mont Plaisir qui d�boule � la vitesse-du-jvous-la-refais-pas-c'est-�crit-plus-haut. Le flot irr�sistible franchit la digue, nique nique nique hourra ! et bernique ta mer ! disait aussi le capitaine de l'Amocco Cadiz aux coquillages et crustac�s sur la plage abandonn�e. A peine redescendu � terre, je me dis que le service est d�cid�ment impeccable dans cet h�tel et que cela m�rite un beau pourliche, voire une belle pouliche, alors je me retourne sur le lit, remonte mes fesses, puis me laisse envahir d'une perc�e de bonheur qui enfouit au fond de l'oubli, jusqu'� leur prochaine r�surgence, les id�es sombres de la vie, de la mort et de la solitude qui torturaient ma t�te quelque 12 heures plus t�t.

Oliounid Islov

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