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HISTOIRE

Premier épisode | Épisode précédent

Étudiant appliqué | S10 | Plessage

6 | Alerte rouge

Le récit de Julien

J’ouvre brusquement les yeux, tous les sens en éveil. La faible clarté qui baigne la chambre par les interstices des rideaux indique que l’aube n’en est qu’à ses tout débuts. Je ne perçois que le souffle régulier d’Arnaud, à mon côté, aucun autre bruit, incongru, ne semble troubler ce moment de sérénité. Pourtant je me réveille en alerte.

Je me lève discrètement et, assis sur la cuvette des toilettes pour que le bruit de ma miction ne le réveille pas, je me concentre sur les premiers signaux sonores des vies qui s’éveillent au dehors. Rien ne semble troubler ce moment. Puis je rabats délicatement le couvercle et je viens me rincer les mains et me brosser les dents.

Arnaud fait alors son apparition, en titubant. Il se dirige vers les toilettes dont il relève la lunette et, en appui bras tendu sur la cloison, il arrose d’un jet sonore qui clapote dans l’eau du siphon. Je ris ! J’aime la confiance que me semble traduire cette trivialité exposée sans manière par cet homme qui m’a habitué jusque-là à une grande retenue.

Ou est-ce un effet de ma cinquantaine qui, face aux inquiétudes qu’insinuent l’alerte d’inexplicables douleurs encore fugaces, m’incline à l’indulgence pour tout ce qui témoigne de notre bonne santé, de notre solidité, comme ce « pisser dru » ?

Quand il s’approche pour se rincer les mains, mon bras entoure la peau fine de sa taille puissante.

- « Dis-moi, avais-tu l’habitude de dormir nu, auparavant ? »

Là encore, il me plaît de frotter toutes les nuits sa couenne à la mienne dans le plus simple appareil, comme un ressourcement. Mais il hausse les épaules, secoue la tête en signe de dénégation et un souffle souligne l’inanité de ma question. Il s’apprête à faire demi-tour pour rejoindre le lit lorsque je le retiens. J’emmêle nos jambes et l’enlace, gourmand de le toucher, d’étreindre de la mienne sa force d’homme, en l’examinant d’un œil ironique.

- « Aurais-tu une livraison de légumes à faire dès l’aube sur le marché ? »

Il me jette un regard torve, cède en cessant de résister face à la fermeté de ma rétention, puis détend ses muscles, se penche sur la vasque. Il ouvre l’eau, s’en frictionne le visage avec sa main rude en faisant crisser sa barbe, se rince la bouche et se redresse. Il plante son œil vitreux dans le mien pour me répondre.

- « Tu reviens au lit avec moi alors ? »

Il pose le dos de sa main sur le haut de mon torse, la laisse cascader, tous ses doigts tressautant, puis d’un vif balancement, attrape ma queue flaccide et la serre. Ses yeux sont revenus dans les miens et une trace de sourire soulève ses commissures.

Je l’entoure de mes bras pour rejoindre le lit mais, dans sa main qui glisse mollement de mon épaule, je perçois plus d’assoupissement que de convoitise. A peine est-il allongé que ses yeux se ferment déjà et, entre soupirs et petits claquements de langue, il se niche contre moi, enroulé comme un chat, au contact, chaud, rassurant et rassuré.

J’ai dû me rendormir.

Et la lumière nous réveille tous deux en sursaut : il fait désormais grand jour.

Arnaud s’active à ouvrir le lit, tapote son oreiller comme s’il voulait effacer trace de son passage, puis, après une douche et un café vite avalé, il part bosser.

J’ai décidé de faire un pansage et un check up complet de mes chevaux, attentif à soigner ces petites plaies qui, sans cela, laissent de vilaines cicatrices aux peaux sombres à robes claires.

Entre licol, nécessaire de pansage et trousse à pharmacie, je m’affaire d’un box à l’autre tandis qu’Arnaud passe en poussant une brouette.

Au retour, à demi dissimulé derrière un poulain, je l’observe et m’aperçois qu’il me cherche des yeux lui aussi mais il les baisse soudainement quand nos regards se croisent. J’en reste incrédule.

Alors, quand il revient, je me poste en embuscade et surgis à l’improviste devant sa roue. Il s’immobilise, interloqué. Je le toise du regard, l’interpelle d’un coup de menton, m’approche et d’une main, lui fait lâcher les poignées de l’outil.

- « Nous sommes en compte, je crois ... »

Je saisis cet instant d’incertitude dans son regard, ce trouble du scrupule, cette inquiétude d’un oubli… alors que je retire mes gants de latex.

- « Je vois que tu m’épies, est-ce pour m’offrir les fameuses prestations promises ? »

Là, je vois qu’il a compris ! Ses yeux parcourent la travée pour s’assurer que nous sommes bien seuls et tranquilles puis reviennent se poser sur moi avec un tout autre éclat.

- « J’aime me faire sucer goulûment dans l’écurie ! Tu saurais faire ça, toi aussi ? »

Mes doigts ont attrapé la languette de ma cotte et la tirent lentement vers le bas.

- « Touche, Arnaud ! »

Ma main droite pétrit ostensiblement mon service qui se détend dans mon slip. Je le vois qui hésite, partagé, indécis. Mon autre main s’empare de son poignet et, d’une traction, je l’amène au contact de mon paquet qui s’échauffe, tandis que, pas à pas, je recule, l’entraînant jusqu’à l’alcôve creusée dans le mur de bottes de paille derrière moi, sans le quitter des yeux, ma langue humidifiant alternativement mes lèvres dans un réflexe de salivation ; sacrée gourmandise ! Sa main est restée en place et par pressions, compressions, dessine, au travers de la toile rêche, mon membre maintenant tendu.

- « Ouvre la cage à l’oiseau, * Arnaud … »

Un des avantages de cette tenue professionnelle pensée pour les hommes réside bien dans cette facilité à libérer notre bite, qui gonfle mon slip puis en jaillit comme un diable entre mes cuisses écartées. Ses mains dégagent tout le service avec complaisance et il se penche, humant, caressant de l’arête du nez, m’envisageant par en dessous, dardant la pointe de sa langue, puis, encouragé, léchant plus largement avant de poser ses lèvres sur le gland puis d’en parcourir la hampe. Je le laisse patiemment à la prudence de sa découverte, certain qu’il a déjà appris des précédents essais et qu’il n’est besoin que de lui laisser le temps que lui viennent des audaces.

Voilà maintenant que, le manche bien en main, il s’applique à gober mon gland qui n’en peut mais, l’enveloppant des lèvres et de la langue, usant de subtiles aspirations puis de voluptueux glissements humides qui commencent à produire leur effet.

Mais d’un coup, je glisse de mon appui végétal. Le redressant, j’attrape sa ceinture à deux mains décidées, la déboucle pour m’attaquer à sa braguette et, subitement, je m’accroupis en descendant ses frusques à mi mollet. Je ne fais qu’une bouchée de son vit déjà baveux que j’engloutis, le faisant ressortir lentement en l’essorant tandis qu’Arnaud est immédiatement secoué de frissons par la caresse. Quelques aller-retour bien pesés achèvent de lui couper les jambes et je me redresse face à lui avec un sourire de victoire, le guettant alors qu’il relève ses paupières …

Mais d’un vif mouvement des deux mains, il me rabroue, me précipite en arrière, tombant sur moi et m’immobilisant de ses deux avant-bras, puis sa main empoigne fermement mon barreau.

- « C’est bien toi qui a demandé une pipe, non ? »

Et il se rue, tête en avant, bouche grande ouverte, s’efforçant de m’accueillir au plus profond dans des réflexes de renvoi qui m’étreignent délicieusement. Son enthousiasme pallie son manque de savoir-faire et sa pipe acharnée, ses mains qui tantôt me massent les couilles et la base du vit, tantôt les cajolent, m’emportent vers une douce extase qui lentement monte, monte …

Le salaud ! Il va finir par gagner ! Moi qui, d’habitude, résiste longuement aux bouches les plus expertes, je me laisse bien trop rapidement submerger par les jouissances pourtant rustiques que me procure ce débutant dopé par sa bonne volonté. Ou est-ce justement à cause de cela ? Il doit le sentir car il s’applique, bouche ventouse et caresses appuyées, sans pause ni respiration, comme un forcené qui se fait un devoir d’aller au bout.

Je sens qu’il m’accule dans mes ultimes retranchements, que se rapproche le seuil où tous mes efforts pour retarder l’explosion seront vains, que tout mon corps se tend, se ramasse pour propulser le bouquet final. Mes reins durcissent et mon périnée se crispe ; la gerbe est près d’éclater en panache. Je le préviens dans un souffle :

- « je vais venir … »

Mais il s’agrippe fermement d’une main à chaque cuisse pour caler ma queue aussi profondément que sa courte expérience le lui permet, m’aspirant encore, s’obstinant alors qu’un premier trait me soulève, le submerge et l’étouffe. Mais bravement, il parvient à déglutir, admirable de détermination absolue, pour aussitôt recueillir, plus aisément, les répliques suivantes, en une cascade qui se tarit progressivement, me laissant effondré, rompu, vaincu, vidé. Euphorique aussi.

- « Embrasse-moi, Arnaud, s’il te plaît. »

Il s’approche en claudiquant, les chevilles prisonnières de son pantalon de travail tire-bouchonné, il incline son buste et, d’un geste vif, je crochète sa nuque pour coller mes lèvres aux siennes, envahir sa bouche, nouer nos langues, partager les relents de mes liqueurs, ce goût salé et un peu acre, dans un transport enflammé par un indicible espoir.

L’espoir que c’est bien pour moi seul qu’il a fait montre d’un tel élan, qu’il va se réfugier entre mes bras, convaincu qu’il y a trouvé sa vraie place et que, désormais, nous marcherons de concert, confiants l’un en l’autre, et dormirons tranquilles côte à côte.

Mais une alerte rouge clignote aussitôt dans ma tête : c’est moi, Julien, qui m’avoue à moi-même mon désir profond de partager ma vie ! *²

Du calme, Julien !

Lui, le rouquin canaille, là, il n’a encore rien dit.


*En 1972, Pierre Perret chante son très populaire « » Au-delà des apparences et d’une lecture trop littérale, on découvrira avec profit un texte qui invite « à faire un truc qui vous rendra heureux » en leur « ouvrant la porte vers la liberté »

*²Eddy de Pretto reprend « » .


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