Immobile. Sous son regard qui transperce mon dos et rempli mon thorax d’une chaleur bienveillante.
Eux me frôlent, je dévie leurs trajectoires, ils doivent me contourner. J’entends leurs conversations, leurs remarques, leurs compliments. Ils m’effleurent, se serrent, cherchent le contact. Je ne bouge pas.
Les discours se font à voix basses, pas de brouhaha rien qu’une rumeur de fond, un bruit blanc, et j’essaye d’y distinguer son intonation, ses paroles, de le positionner dans cet espace qui nous sépare; car même s’ils se l’accaparent, lui, ne détourne que peu de fois les yeux, calme, attentif.
L’air est frai même si saturé des effluves de leurs corps, de leurs parfums, de l’arôme de ce qu’ils boivent. Et puis il y a cette persistante odeur de chanvre...
Des mains me touchent, me caressent, me flattent. Elles sont intolérables, ils ne pourraient pas.
Le croyant distrait, une main essaye de s’infiltrer...
« Non ! » le mot est péremptoire, prononcé d’un ton à peine plus haut que les conversations en cours mais il suffit pour qu’elles s’arrêtent un instant, et attire l’attention.
Je reste figé, les attouchements recommencent, le temps passe, le premier gong retenti, la majorité d’entre eux part, il ne reste que quelques privilégiés. Ceux qui s’approprieront de moi.
Permises, les caresses se font plus appuyées, les mains empoignent, malaxent, écartent. Les doigts serrent, se faufilent, pincent, tirent. On me pousse, me tire, me remplit, me vide, m’occupe.
J’essaye de faire abstraction de ce qu’ils me font, mais ils m’en empêchent, me provoquent, m’assujettissent, prétendent une réponse physique.
Lui observe sans intervenir.
Ils me tâtent, me sondent, me masturbent, m’embrasent, me portent à la limite, et me la nient. À répétition.
Mes muscles se gonflent, mes nerfs se tendent, le corps sacrifié à leurs merci, impuissant. La frustration se fait de plus en plus forte, la situation intenable. Je crie mais le son est étouffé dans ma bouche remplie par des doigts ou des sexes masculins ou féminins.
Second gong, les attouchements, les titillements, les léchages me portent à une jouissance explosive, une fois, deux fois,... ce serait une vraie libération si leur insistance ne devenait inconfort, gène. Trois fois, quatre fois.
Ils continuent à m’agacer les tétons, le sexe et l’ anus, les massent, les sucent, les pressent, les pincent et leurs manipulations deviennent douleur, torture. Ils me vident, me soutirent jusqu’à la dernière goutte, m’assèchent. Je perds pied.
Troisième gong. Tout s’arrête. Les mains, les sexes et les bouches m’abandonnent, les pas s’éloignent, une porte se ferme.
Je perçois un bruit ouaté sur ma droite, j’ouvre les yeux: le monde est encore à l’envers. Je les referme.
Une secousse, il me déplace calmement.
Alors que j’entends le bruit des poulies, son bras me soutient la tête, mes épaules se posent sur le futon.
Ses mains douces me parcourent le corps et vont défaire le premier nœud, celui qui me liait à l’anneau auquel j’étais suspendu. Bientôt je suis libéré de toutes les cordes.
Étendu sur le matelas, il commence à me laver de tous leurs fluides et déjà je me relâche. L’éponge passe de mes cheveux, sur le visage, le cou, descend sur mes épaules, d’entre mes doigts elle remonte le long d’un bras puis de l’autre, parcours mon torse, et va progressivement jusqu’à mes pieds.
Il abandonne l’éponge dans la bassine et ce sont ses mains qui viennent me nettoyer délicatement le sexe et ensuite me sécher avant de me retourner sur le ventre pour continuer à effacer toutes leurs traces suivant la même séquence : nuque, épaules, dos, fessier, jambes, mollets et pieds avec l’éponge et mon anus avec ses mains avant de me sécher et de s’éloigner.
Lorsqu’il revient il s’est changé, son pantalon large effleure ma peau alors qu’il m’enjambe pour s’agenouiller au-dessus de mon dos. J’entends ses mains frotter l’une contre l’autre et je sens le parfum caractéristique de l’huile qu’il utilise pour le massage.
C’est d’abord le cuir chevelu, ensuite il passe derrière les oreilles, descends sur la nuque, les vertèbres, le dos, les bras, et ainsi de suite. Il malaxe les muscles, insistant sur les points qui ont été le plus comprimer par les cordes qui me retenaient, les détends, les soulages, pour terminer avec l’arc plantaire et les orteils.
Sa respiration s’est faite plus forte, il se relave les mains, me retourne, un instant nos yeux s’accrochent, je les referme. Je me suis abandonné à lui.
Il reprend le massage : le front, les tempes, les muscles faciaux, le cou, les épaules, à descendre.
Toute marque de lien a disparu.
Enfin propre, il pose ses mains sur mon sexe en une douce caresse. Son regard fond dans le mien c’est alors que nos bouches se soudent, et qu’il me couvre de son corps nu, précautionneusement il s’insinue en moi, profondément, puis ne bouge plus, en attente.
Je me contracte autour de sa verge qui a durci au fil des effleurements survenus lors du massage, d’abord lentement et longuement pour peu à peu accélérer, et même si ses mouvements sont imperceptibles, contrôlés, je sens monter sa jouissance jusqu’à son gémissement et la sensation de chaleur humide qu’il déverse en moi.
Les lèvres dans le cou il me murmure : « Ils ne comprennent rien. Ils m’appellent Maître, utilisent ce mot sans en comprendre le sens »
Il me regarde dans les yeux, « ils ne savent pas que sans mon dorei je ne suis rien. Certainement pas un kinbakushi »
Quasi
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