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7| LE DOUTE M'HABITE, JE DÉFROQUE
Et puis un matin je me réveille... et juste je ne crois plus en Dieu.
Je ne suis pas triste. Je me sens bien. Je n'y crois plus c'est tout. C'est aussi simple que ça. C'est comme si un voile était tombé. Et même je me demande déjà comment tout ce temps j'ai pu être aussi naïf !
C'est vrai que depuis quelques temps le doute m'habite et me pénètre profondément.
Peut-être que ma relation avec Dimitri m'a fait réfléchir et a fait ressortir des interrogations qui étaient au fond de moi depuis longtemps... Mon histoire avec lui a duré plus d'un an, elle aura été un déclencheur...
Je réalise que Dieu ne m'a jamais rendu l'attachement que j'avais pour lui... en fait il était mon ami mais je m'aperçois que je n'étais pas le sien. Eh ben va te faire foutre !
Je me sens soulagé. Je n'ai pas besoin de Dieu pour savoir ce qui est juste et ce qui est bon. Je réalise que je suis enfin libre. Simplement libre d'être qui je suis et qui je veux !
Et puis ce séminaire m'apparaît brusquement dans toute son hypocrisie :
La chasteté est une hypocrisie totale. C'est une contrainte inhumaine et impossible. J'ai pu voir que les séminaristes sont tous plus ou moins tourmentés par le sexe.
Les douches communes en particulier sont des lieux d'exhibition mutuelle. Les corps s'exposent et se fuient. Les uns ont le regard bas et la demi-molle. Les autres ont le rire moqueur et la main insistante quand ils se savonnent. J'ai vu des jeunes intégristes (tendance traditionnalistes) faire tomber leur serviette "sans faire exprès" et vérifier si tout le monde avait bien remarqué leur sexe blanc à moitié dur et leur anus rose quand ils ramassent la serviette... J'ai vu des jeunes séminaristes mâles alpha homophones se tripoter le zob avec du savon ostensiblement en le décalottant 10 fois pour exhiber leur gland... Les regards en coin et les moqueries se croisent, mais nul n'est imperméable aux effluves de testostérone qui se répandent dans l'air chaud et humide, cet air moite qui enveloppe les sexes et pénètre les bouches.
Dans ce séminaire, l'homophobie des uns n'a d'égal que l'homoprosélytisme des autres.
... Mais comment leur en vouloir ? Ce sont juste des garçons privés de sexe ! Dieu leur a dit : "Tu veux être mon ami ? Et bien moi je te punis. Je te mets des couilles qui vont te travailler, mais va au coin et interdit de toucher à ton zizi !" Dieu est quand même un bâtard cruel... qui mériterait qu'on l'encule !
Au fond ce séminaire est juste d'une autre époque : Là-bas, on n'est pas au 21ème siècle, ni même au 20ème, on est au 19ème siècle !
Frère Nils m'a raconté que dans le passé, dans la plupart des séminaires, il y avait des sortes de chasses aux sorcières. Quand un séminariste était soupçonné de pratiques masturbatoires ou d'homosexualité, il y avait des expéditions punitives. On appelait ça une "mise à l'air" ! On se mettait à 4 ou 5, on déshabillait le séminariste de force puis on lui tenait les jambes et on le masturbait de force devant les autres jusqu'à éjaculation, pour l'humilier et lui "faire passer l'envie"... Voilà c'est super violent... et en même temps j'avoue j'aurais tellement aimé voir ça.
Moi je n'ai pas assisté à cela mais j'ai ressenti cette violence sourde, cette tension sexuelle étouffée, ces mâles en rut comme des loups qui se reniflent les couilles...
Mais bon, c'est décidé. Je défroque !
Il est temps à présent de quitter cet établissement de tristesse et de frustration. J'y suis depuis presque 2 ans. Nous sommes fin mars. Je n'ai pas envie de faire mes adieux, ils ne sont pas mes amis. J'ai voulu dire au revoir à frère Nils mais comme par hasard il n'était pas là... Il était là pour mettre sa main dans mon caleçon pendant que je dormais oui, mais quand il s'agit de dire au revoir...
... Et puis il y a Dimitri.
Depuis le mois de janvier de l'année dernière nous avons partagé le même lit. Personne ne l'a su. Il passe au yeux de tous pour un hétéro ténébreux. Il a le caractère fort et la voix grave, mais tous les soirs il plaquait son sexe sur mes fesses et on s'endormait dans la chaleur partagée. On s'est masturbé quelquefois mais pas souvent. À chaque fois c'était super. On s'est surtout tenu chaud dans cet établissement triste et cet environnement glacé. Comme des petits animaux, on s'est juste blotti... on a bandé ensemble et on s'est attaché l'un à l'autre !
Lui ne le dira pas mais nous étions un couple. Il dira que j'étais son chien mais on ne bande pas quand on caresse son chien.
Alors au moment de lui dire au revoir, ma voix s'étrangle. On se prend dans les bras. Nos corps se serrent... longtemps. Ils ne veulent plus se lâcher... Je ressens son émotion...
- T'en vas pas...
Il est bouleversé. En cet instant je me sens plus fort que lui. Il est pris de sanglots profonds. Il n'arrive plus à s'arrêter.
- T'en vas pas...
Nous pleurons tous les 2. Nos corps sont serrés l'un contre l'autre. Ils s'éteignent torse contre torse...
- S'il te plaît...
Je regarde ses yeux baignés de larmes. Et alors que je m'apprête à lui lécher la bouche comme un chien, il plaque son sexe contre le mien, et il m'embrasse pour la première fois. Nous échangeons nos langues et nos salives, dans un baiser désespéré.
- Tu sais je t'aime Quentin
- Je sais, mon ami, je l'ai toujours su
Nous ne nous sommes jamais revus.
Jam
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