Mon amoureux s'appelle Aníbal et s'appelait Aníbal. Il aurait pu s'appeler Rocco. Il a tout pour lui, la bite et les couilles. Il a ce corps qui tout entier fait craquer les garçons et les filles.
Il a le sourire latin franc et direct qui montre tout, indécent, ses dents irrégulières ses gencives ses lèvres retournées et toute sa bouche, brûlante comme un sexe.
Il a le rire rauque rocailleux et pur qui lui vient du fond du ventre, du diaphragme, un rire qui te secoue, qui te fouille les trippes et le slip.
Il a surtout le regard bleu et noir. Il te regarde, il te foudroie il te scanne il te déshabille il te perce tu sens comme le point du laser qui se déplace sur toi, il te chauffe il te brûle il te transperce il te fout à poil... Mi amor.
J'ai rencontré Aníbal à Madrid dans un café de l'avenue des Gratte-ciel, le café Futuro. Hablo Español, langue grave et fière, profonde et triste... Nous avions 20 ans, il m'a embarqué en un regard.
Mais nous avons 40 ans. Notre vie est passée comme un flash, une micro-sieste. C'était trop bien, mais je n'ai rien vu. Nos 20 ans sont si proches et si loin.
Je l'ai extirpé de son Espagne il m'a suivi sous le ciel gris. Aníbal n'a pas toujours été fidèle, je sais. Il m'a fait rire il m'a fait pleurer il m'a trompé, il m'a aussi tellement aimé tellement baisé.
Et le fil du temps nous amène à ce matin, maintenant, now.
Aníbal est sur Meetic et sur Tinder, il est sur les sites de rencontre et de cul. Il expose son bulge à tous les petits pédés et leur propose des rencontres calliente.
Moi, je ne veux pas travailler, je ne veux pas l'oublier, je ne suis pas sur Meetic. Je suis sur Netflix je mate des séries pour les filles, des séries qui font pleurer, des histoires d'amour tristes, et puis... je... fume.
Finalement je prends Aníbal entre quatre yeux :
- Je veux sauver ce qui reste de nous tu comprends ? S'il te plaît, retournons à Madrid.
Retour al Futuro
À Madrid, le café Futuro n'a pas vraiment changé, il est juste plus propre, plus éclairé. Ils ont mis des spots. Le patron a changé, parti Toño.
La serveuse Teré nous salue Olà ! elle a les cheveux gris maintenant, des talons plats et un tablier, elle ne nous a même pas reconnu.
Désormais les clients sont des jeunes cravatés des petits banquiers peignés en costume gris, des apprentis prétentieux dans leur petit pantalon serré, mais Teré toujours plaisante avec eux.
Mes fesses reconnaissent la chaise mes mains reconnaissent table, mais ce n'est plus notre Futuro à nous.
Et je me dis à quoi bon être revenus ici ? Aníbal ne me regardera plus jamais comme avant... cette fois c'est fini.
Je ne veux pas pleurer devant lui, pas qu'il voie comme je suis déçu, tellement déçu.
Je ne pleure pas, mais je sens mes larmes sur mes joues, je lui souris et il me prend la main.
- Tu prends quoi ? Rosé-cranberry ?
C'est une blague entre nous, une private joke. J'aime les mélanges...
- 2 calimucho por favor
- Mais c'est pas bon ça tu le sais
- Moi j'aime, Aníbal, j'ai jamais cessé d'aimer... moi...
J'en prends 3 d'affilés... et là je ne me sens pas bien... C'est pourtant pas fort le calimucho, juste du vin et du coca. Ils ont dû ajouter un truc, un truc fort, c'est obligé. Et puis d'un coup je vois blanc, je ne vois plus rien. Alors je me précipite vers les toilettes.
Sur le chemin, accoudé au comptoir j'entre-aperçois un grand homme blond qui semble me reconnaître, mais que je ne connais pas, il doit avoir 45 ans, il est accompagné d'un jeune homme de 20 ans... son fils ? Son amant ? Il me salue Olà ! mais mes étourdissements me reprennent. Je file aux toilettes.
Et là, je suis submergé par l'odeur des chiottes... Si, c'est bien notre Futuro ! ses carrelages crasseux, ses urinoirs sans séparateurs et ses miroirs vicieux... et là tous mes souvenirs en une bouffée, les pisseurs les braguettes les poils dans la bouche les glands décalottés les mains dans les cheveux et le goût du sperme...
Mais il y a là, en train de pisser, un jeune banquier ou cadre ou stagiaire, cul de patineur, avec une mèche... Je dégrafe ma ceinture et ma braguette sans le quitter du regard. Il pisse tout en tapant des textos avec ses pouces, grosse bite gros gland moitié décalotté... je dirais 20 ans. Il a dû sentir mon œil sur sa teub de jeune mâle, il me regarde une demi-seconde interrogatif, puis il me sourit innocemment de ses dents blanches et se remet à texter, il ne pisse même plus, il pianote avec juste sa mèche et sa bite à l'air.
Et là, ça se remet à tourner... dans un flash je revois mon Aníbal de 20 ans avec sa bite aux urinoirs et nos regards qui se croisent et qui d'un coup s'accrochent et ne se quittent plus. Nos quatres yeux qui s'aimantent et qui se pluggent, nos bouches qui se rapprochent et nos glands qui se disent bonjour pour la première fois, reliés par un fil de mouille.
Ça s'accélère, tout tourne... je revois les concours de pipeurs, tous ces petits mecs avec leurs rires et leurs sexes, ça tournoie... toutes ces teubs... et mon sang qui se vide... voile blanc... et puis plus rien.
Ensuite j'ai entendu l'ambulance. Ça venait de très loin. Je sentais des infirmiers affairés autour de moi. Ma tête avait dû taper l'urinoir. Quand je suis tombé, j'avais la bite sortie... Quelqu'un a-t-il pensé à refermer ma braguette ? Le banquier stagiaire ?... Et puis j'entendais sangloter... Aníbal ? Aníbal sangloter ? Mais ça fait 20 ans qu'il ne pleure plus Aníbal. C'est un mec... et de nouveau plus rien.
Je me suis réveillé dans ma vieille chambre de Madrid, celle où on a baisé la première fois. Tous mes anciens dessins perdus, ils étaient là accrochés aux murs... C'est impossible... Et cet immeuble qui a toujours senti la patate et l'oignon.
- Como estas, mi corazón ?
Ça fait 20 ans qu'Aníbal ne m'appelle plus comme ça...
J'étais dans mon lit. Et là, au-dessus de moi, ce n'était pas mon Aníbal de 40 ans, c'était mon Aníbal de 20 ans ! avec ses bouclettes et son regard inquiet. Il avait pleuré.
- Como estas ?
- Je ne sais pas... Ça va...
- Tu es sûr ? Tu as l'air tout perdu mi corazón... J'ai eu si peur...
Il s'est approché il a fourré sa langue dans ma bouche et j'ai senti le goût de ses larmes et là j'ai eu envie de lui, j'ai senti mon gland et mes couilles qui se réveillaient. Et pendant qu'il me baisait la bouche, il glissa ses mains sous mes draps, je n'avais pas de caleçon et ses mains prirent possession de moi. Elles me frôlaient, elles me chauffaient, elles m'exploraient, elles m'entouraient, elles me fouillaient, elles me pénétraient...
Mi amor... pero tu no sabes...
Jam
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