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HISTOIRE

Premier épisode | Épisode précédent

Agriculteur

Saison 5 | Chapitre 3 | Le vent dans les orties

 

Il redessine ma lèvre gercée de son gros index râpeux en souriant :

- « pauvre Julien ! Avec cette bouche rougie, demain, tout le monde va voir que tu n’as pas passé la nuit en lectures studieuses ! Les copains et copines de ton âge vont … » Et son regard se voile, comme d’une soudaine distance qui le grisaille.

Et moi, je ne veux pas !

J’approche ma main aux doigts écartés en étoile de son torse, jusqu’à effleurer ses poils et je balance faiblement mon bras tout en l’enfonçant avec une infinie lenteur pour entendre le froissement de sa broussaille comprimée. Il me parle d’âge, là ? 

- « Tu m’as plu avant même que tu dises ton nom, André Lecourt … que veux-tu, je suis sensible au charme des mecs plus âgés que moi, dont l’expérience peut tempérer mes élans et enrichir ma vie. Alors quand tu m’as montré ta bite, j’ai tendu la main pour la toucher » Et, à cette évocation, toute ma main vibre, ma paume froisse sa toison, mes doigts tressaillent imperceptiblement et c’est comme une palpitation accordée entre nous.

– « Au début, j’ai d’abord voulu m’assurer que tu ne sois pas un danger, Julien ».

Je suis estomaqué car je n’avais jamais en rien mesuré que je pouvais représenter une menace pour lui, sa famille, sa situation. Alors, du tac au tac :

- « es-tu bien rassuré, là ? » Son regard en retour me suffit … je sais que l’obstacle n’est pas là mais que, pourtant, il y a quelque chose. Je relance :

- « Quant à moi, j’ai redouté que tu me jettes comme un kleenex » Il pouffe en balançant sa tête, incrédule :

- « tu n’es pas qu’un simple éternuement … ça … c’est pas possible avec toi » Je me redresse à son coté, assis sur mes talons, il pose sa main en tenaille en travers du gras de ma cuisse, nos yeux se sont accrochés. Je me penche vivement sur lui et, de la pointe d’une langue pointue comme une flèche, je lui retrousse brièvement la lèvre supérieure qui retombe sur ses dents avec un sobre claquement humide :

- « Et quand on s’embrasse, Lecourt … » Il y a des braises dans ses pupilles, un feu couve qui ne demande qu’à nous réchauffer. Pourtant, il ne bouge pas … C‘est qu’il a encore quelque chose en travers ; il y a plusieurs pastilles dans sa boite rouge de Pulmoll ! Et sa préoccupation devient mienne, m’encombre : que me réserve-t-il ?  Alors je l’interroge du regard, et il reprend :

– « la vie a repris son cours dans la grande maison, il y a mon fils, mes futures obligations … je ne serai guère disponible pour … » Ouf ! Il me dresse un catalogue de scrupules dont je saurai m’accommoder, ce n’est que ça !

Puis, soudain, un doute m’envahit ; et s’il tentait de me dire que LUI … Il reprend :

- « L’été ne dure qu’un temps, Julien, et je ne voudrais pas que tu te berces de trop d’illusions, le terne quotidien reprendra vite ses droits. » Sa main retombe mollement sur ma cuisse et son sourire est fade … Satané fatalisme qui nous ronge ! Faut-il baisser les bras puisque que « la vie n’est pas un long fleuve tranquille *1 » ? Est-ce que, réellement, « la vie ne vaut rien » ? *²

- « moi, je bande, patron ! Je suis déterminé à faire front, à m’appliquer pour nourrir mes yeux, mes pensées, mon ventre … de tout ce qui nous aide à vivre, des moindres plaisirs à notre portée. Et tu m’as souvent invité à les partager avec toi … J’aime me battre pour essayer d’être heureux, patron »

« Ils cassent le monde / En petits morceaux / Ils cassent le monde / A coups de marteau / Mais ça m’est égal / Ça m’est bien égal …/… Il en reste assez pour moi / Il en reste assez / J'aurais toujours un peu d'air / Un petit filet de vie / Dans l'œil un peu de lumière / Et le vent dans les orties » *3

Je le regarde en souriant, je vais le chercher des yeux. Je me redresse, recule mes épaules et mon bras ballant pour laisser courir ma main sur lui, trouver sa queue mouillante alors que la mienne me fait comme un rostre :

- « alors, patron ? » La lueur bienveillante a fait lentement place à autre chose, de plus décidé, presque agressif, quelque chose qui nous envahit, nous submerge et nous détermine, lui comme moi. Un instinct. Il hoche la tête en silence, relève la tête ; quelque chose a changé. Il a retrouvé un sourire de loup, serré, calculateur. Sans détacher nos yeux, sa main remonte sur ma cuisse et s’empare de mon mat, le caresse distraitement, comme s’il réfléchissait en préparant son prochain coup. Il rumine, l’œil canaille, je ne sais quelles pensées lubriques.

Je suis disponible pour toutes ses propositions, surtout les plus indécentes et je me pense capable d’y répondre. Je l’attends …

- « On disait le magret souillé par la proximité de la boue dans laquelle le canard patauge et, avec dédain, on négligeait le morceau par ignorance alors qu’il est délicieux. Il y a tant de choses qu’on s’interdit ainsi, par croyance, par superstition, par tradition, sans oser franchir le pas … Il ne faut pas accepter de mourir idiot. » Il se tait, son regard me harponne et, d’un coup, je prends conscience qu’il poursuit sa caresse légère sur mon vit et je frissonne. Il sourit et l’enduit de gel. Ça y est, il se lève, se déploie au-dessus de moi, il me tient, il m’entraine avec lui.

        Un bras entourant mes épaules, il vient s’accroupir, de face, sur moi. Il descend sur ma tige dressée et son cul m’avale souplement, comme une évidence. Les pieds posés bien à plat, il remonte lentement dans une puissante poussée de ses cuisses puis, sur l’expiration, se laisse retomber tout aussi progressivement, jusqu’à m’écraser les couilles. Dans l’angle formé par nos corps encastrés, sa bite se dresse, baveuse de sa liqueur séminale répandue entre nos ventres qui se frottent, se pressent. Je la coiffe du creux de ma paume pour quelques caresses voluptueuses qui lui font resserrer son conduit qui, lui, gaine la mienne. Son bras attire mes épaules à lui, écrase nos torses l’un contre l’autre et on se dévore la bouche, souffles courts et bruits de succion. Mes deux mains sur ses fesses accompagnent ses mouvements de bassin, amples et véloces, qui roulent ma queue en lui. Nous sommes soudés dans un même roulis, moites et suffocants.

        Etourdi par tant de jouissance, je décolle mes lèvres avec un bruit de ventouse, tout entier soulevé par l’entrain de cette galopade sauvage :

- « putain que j’aime plonger dans ta joie profonde, Lecourt ! *4 » Il rit, ferme les yeux, m’embrasse du bout des lèvres avec une infinie délicatesse et se retire, mettant fin à nos acrobaties échevelées. Colosse lent et précautionneux, il s’allonge sur le côté, jambes en ciseaux, comme un bel endormi abandonné. Un autre Lecourt. Je me penche sur lui. Je souffle un filet d’air frais, je laisse trainer la pulpe de mes doigts, le couvre de petits baisers légers, effleure ses prairies. Puis je coule mon corps contre le sien. Il y a un instant de confusion, de mains entre croisées, le temps de placer ma queue et un grand soupir, le temps de l’introduire et qu’elle retrouve « naturellement » sa place. Mais Lecourt ne s’arrête pas, son soupir devient sonore, il lance sa main vers l’arrière pour m’arrimer à lui et imprimer un petit mouvement lancinant, qui berce et fait danser à tous petits pas.

Putain que c’est précieux ce grand costaud qui trouve son plaisir et le murmure ainsi. Son petit raclement de gorge modulé me fait bander comme un fou, il me semble que ma queue est l’archet qui produit ce son harmonique, un peu comme un doigt humide qui tourne sur le bord d’un verre en cristal et le fait chanter. C’est ça, le chant des sirènes qui fait tant bander Ulysse qu’on doit l’attacher au mat du bateau pour le retenir d’aller se fracasser sur les rochers, c’est le chant du plaisir ! Pas de bateau, pas de rochers, je peux, moi, lui céder sans retenue : c’est juste mon mec qui jouit !

Et cette seule idée précipite ma propre extase : deux grandes mains qui, soudainement, me pressent les reins et me cambrent, envoient vigoureusement mon bassin vers l’avant, au profond, suivi de ces secousses qui me font perdre tout repère, une chute dans le vide … Ses mains à lui qui me retiennent encore et nos souffles qui s’accordent et s’apaisent lentement. Pfff …

Il s’est retourné face à moi et me regarde reprendre pied, un demi sourire dissymétrique relève sa joue gauche et la creuse d’une fossette, un zeste d’ironie teinte son regard attentif :

- « ça ira, gars Julien ? » Je me sens épuisé, comme après un sprint où on donne tout, physique et mental, qui nous dépouille de toute énergie et ne nous laisse que ce noyau de volonté farouche, l’estime de soi comblée et une sérénité tranquille, celle d’être « juste ». Je relève les yeux vers lui et c’est assez :  son sourire se soulève d’un accent fugace. D’une brève inclinaison de la tête, il donne le signal et se lève. Je le regarde faire les quelques pas qui le séparent de la salle d’eau : ses solides épaules rejetées en arrière qui balancent ses bras, son dos en V, ses fesses qui roulent alternativement, ses cuisses qui tremblent quand il pose son pied …

Il s’assoit lourdement sur la cuvette, son visage se crispe et il lâche quelques gargouillis sonores puis il me rejoint dans la cabine de douche. Il m’envisage de la tête aux pieds puis, bras tendu, relève sa main en pince et saisit mon paquet qu’il fait tressauter :

- « bonne bite, gars Julien ! » Le ton est bravache et l’œil frise, provocateur ! Il m’attire à lui en tirant souplement sur sa prise et, bouche ouverte, langue toute déployée, m’offre une bouchée charcutière : charnue, épaisse, grasse, souple, humide, un vrai banquet de chasseurs au fort gout de gibier. Puis, négligeant le développement de sa prise qu’il a gardé en main :

- « tu as retrouvé tes couleurs … » Il me tourne alors le dos et s’offre à mes savonnades puis se retourne et me rend la pareille mais …

Sa main me savonne également les fesses, la raie et je devine que vont venir les caresses quand, soudain, il me saisit, se colle à moi, me fiche un doigt vibrant :

- « pas question, jeune bouc ! maintenant, on dort ! »

Au matin, j’ai pris le car des demi-pensionnaires. Je regarde par la fenêtre : « Au dehors, l’arbre est là, et c’est bon qu’il soit là, / signe constant des choses qui plongent dans l’argile. / Il est vert, il est grand, il a des bras puissants. / Ses feuilles, comme des mains d’enfant qui dort / s’émeuvent et clignent. » *5

Sacré Lecourt. 

(à suivre)

*1 « La vie est un long fleuve tranquille » est un film réalisé par Antoine Chatilliez et sorti en 1988.

*² Je n’ai pas résisté à Alain Souchon « la vie ne vaut rien » un anachronisme de 2001 

*3 « ils cassent le monde » extrait du recueil « je voudrais pas crever » de Boris Vian.

*4 Le Kamasutra illustré : plus de 120 positions amoureuses en images, pour la plupart, à transposer : 

*5 « Eugène Guillevic – Terraqué.

Amical72

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