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HISTOIRE

Rasage coquin (Tendre barbier)

Six heures du soir. Il arrive vers six heures et demie. Je l'attends.

Voilà près de six mois que cela dure. Un rêve... Jamais je n'aurais cru pouvoir être accroché à ce point. Ça fait un peu peur, d'ailleurs. Peur pour moi : reste-t-on soi-même lorsque l'on vit tellement pour un autre ? Peur pour lui, aussi : est-ce que je ne suis pas trop ? Trop collant... Pourtant j'essaie de ne pas être trop après lui, de ne pas lui donner trop souvent raison - même contre la raison -, de ne pas trop le manger des yeux (comme j'en ai cependant envie...).

C'est vrai que j'ai toujours envie de l'embrasser, de le prendre dans mes bras, de le caresser, de le peloter chaque fois que je le vois... Puis de passer ma main dans ses cheveux, drus, soyeux, bleus à force d'être noirs... Puis d'écarter mes cuisses, mes fesses, et de m'offrir, là, comme une bête qui n'en peut plus de rechercher son regard, et son sourire, et ses lèvres fraîches et douces, et sa main qui flatte, et sa chaleur - humaine, physique, sensuelle.

Mais non, il n'a pas l'air de se lasser, de se fatiguer du poids de tant d'amour ! Incroyable ! Il sourit toujours, les yeux brillants, à mes attentions mal retenues, à mes trouvailles qu'il dit attendrissantes, à ma façon perpétuellement renouvelée de vivre cet attachement polymorphe à son corps, à son coeur, à son esprit.

Et beau, en plus ! Je vous raconte pas... Tiens là, tout de suite, trente minutes à l'avance, j'en bande déjà !... (et pourtant j'ai supprimé presque toutes ses photos - non, parce que là, ça devenait carrément plus possible chaque fois que mes yeux accrochaient un des mille clichés de lui dont j'avais décoré chaque dessus de meuble, chaque pan de mur, et presque chaque recoin de l'appartement). Je ne sais pas comment ce mec se débrouille, mais il stimule tous mes sens :

La vue, j'ai déjà évoqué : qu'on ne compte pas sur moi pour donner des chiffres - poids, longueurs, volumes..., je trouve cela grotesque, et tellement réducteur, tellement loin de sa réalité.

Le toucher : une peau de nana, tiens ! douce, souple, finement duvetée aux places qui appellent la douceur, vigoureusement emblavée de pilosité robuste là où un peu de rudesse s'impose.

L'odorat ? : Avant la douche, après la douche, pendant, comme avant ou après l'amour... c'est un bouquet poivré, à la note légèrement fruitée, démentie par un discret apport sauvagement boisé ! hmmm... L'eau de toilette, qu'il sait choisir en virtuose des symphonies olfactives, est un écho foisonnant à l'accord parfait de ses effluves naturels et sui generis... Je ne peux pas mieux dire !

L'ouïe ? Ah oui, l'ouïe, justement ! Un baryton somptueux, aux harmoniques enjôleuses, à la diction exacte, aussi envoûtant dans le murmure intime qu'impressionnant dans l'apostrophe impérative ; aussi attendrissant dans l'affetuoso que poignant dans le lamento (ma non troppo...) ! Une véritable musique, vous dis-je, qui marie Wagner à Fauré, Mozart à Ravel...

Le goût ! Ah ! qu'on ne me pousse pas sur le goût, s'il vous plaît, car j'en ai l'eau à la bouche - et si l'on y ajoute les autres sécrétions diverses que provoque son évocation, je cours à la déshydratation totale !

Cela dit, l'heure tourne. Je viens de prendre une douche, ce qui a le double mérite d'apaiser mes sens et de satisfaire notre commun souci de propreté. J'ai ajouté une petite surprise, un petit cadeau : une crème à l'intense parfum de vanille, que j'ai étalée aux endroits où il aime fourrer son nez : le scrotum, le périnée, l'aine profonde, la raie culière. J'espère qu'il aimera, lui qui adore marier le sucré de la vanille à ses éternels sorbets fraise-cassis (j'avoue que pour le coup, cassis, j'ai pas osé...).

Un quart d'heure encore... Il faut que je le surprenne un peu. Quoi faire ? Je passe devant le miroir ovale du salon, dont les bords biseautés, sous la lumière d'un rais de soleil bas, projettent sur les murs des arcs-en-ciel : j'accroche d'un oeil ma silhouette, moulée dans un 501 près du corps, et dans un pull fin à côtes, bien collant. Profil sombre et élancé dans le contre-jour de la fenêtre. Tiens ! Et si... Oui, je vais me déloquer complètement ! À poil ! Pourquoi pas ? C'est gonflé mais c'est frais, jeune, et... inattendu ! Du moins, je l'espère... Je me dessape entièrement dans la chambre et j'attends. De plus en plus excité, hilare, je jubile d'avance de l'effet de ma petite surprise... Puis je suis assailli d'un doute. Pourvu que... Et si jamais... il le prenait mal ! Je suis à peu près sûr de ce qui le fait marrer habituellement, mais après tout, j'aime mieux ne pas courir de risque. Je vais me rhabiller, vite !...

Ah ! Trop tard ! J'entends l'ascenseur qui s'arrête à l'étage ! Je me colle à la porte, nu, présente mon oeil au judas. C'est lui... Avant qu'il ait sonné, j'ouvre la porte... Surprise, bouche bée, regard ahuri, éclats de rire, embrassements... Ouf ! C'est lui qui se colle à moi, qui me plaque contre lui en serrant ma taille et mes reins, me pousse dans l'appartement en claquant la porte derrière lui. Il n'arrive même pas à me rouler la pelle à laquelle j'ai droit tellement il rigole !

- Quel couillon tu fais, alors ! T'es si pressé que ça ?
- Un peu, que je suis pressé ! Allez, à poil, tout de suite, je te veux !

Sans le laisser répondre, je plaque ma bouche contre la sienne, j'enlève sa cravate, déboutonne sa chemise, et tout le reste. Il a saisi ma queue érigée d'une main et pelote mes fesses de l'autre. Le voilà presque nu, le fute en bas, sur les pieds. Il s'en débarrasse et s'enfuit vers la salle de bain. J'assiste à ses ablutions. Toujours aussi beau et appétissant ! Je le reçois, ruisselant, dans le drap de bain moelleux, immaculé, et le bouchonne comme un demi-sang après le galop. Il est comme moi, en forme et prêt à l'emploi... Nous nous retrouvons sur le lit.

Après la folie de cet accueil en fanfare, c'est la minute de tendresse. Je suis allongé sur le dos, une jambe posée à plat, l'autre à demi pliée ; il est sur le côté, un bras sous ma nuque, la main libre parcourant mon corps réceptif, offert. J'écarte mes cuisses comme il explore mon entrejambe. Ses doigts fins effleurent mes bourses. Il y revient plusieurs fois...
- Mais dis donc, toi ! Tu es poilu comme un soudard !
- Quoi ?
- Ben oui, regardez-moi ça, ce cochon...

Il a passé sa tête entre mes jambes, qu'il a toutes deux pliées, soulevé sans ménagement mes couilles, et, le nez presque collé à mon scrotum, inspecte ma prétendue pilosité boursière...

- Mmm, ça sent bon, mais quand même ! C'est une barbe de cinq jours, ça, monsieur !

Je reste muet, car je crois qu'il a raison. Je ne me les suis pas rasées depuis quelque temps. Il continue, sur le ton de sa fausse colère :

- Monsieur craint sans doute le feu du rasoir ? Monsieur se moque bien de l'effet sur mes lèvres, sur ma langue, sur mes joues de cette véritable râpe qu'il trimbale entre les jambes ? Monsieur veut peut-être s'en faire des tresses ? Allons allons ! Mon sabre ! et au barbier !

Je râle comme un perdu, mais je n'ai pas pu l'empêcher de filer à la salle de bain, d'où il revient avec un rasoir mécanique et une serviette... Mi-bougonnant, mi-riant je me soulève pour placer la serviette sous mes fesses. Je plie les jambes, bien écartées, je m'appuie sur les coudes car je ne veux rien manquer de l'opération.

À genoux, comme prosterné devant moi, il commence. Il tend à deux doigts la peau fine de la hampe, bien raide et gonflée, et coupe vers le haut les poils follets, rares et minces, qui s'y sont installés. Il a la main légère : c'est une caresse... Il en profite pour étêter les volutes pubiennes qui frisottent sur la racine de mon membre. Puis il attaque les testicules. Il rase totalement la face externe de leur rotondité, en pinçant haut les bourses pour bien tendre la peau finement veinée. Puis c'est le tour de la face inférieure et interne : délicate épreuve, car l'enveloppe en est plus épaisse, creusée de striures profondes. Je dois l'aider en tendant le scrotum de mes deux mains, comme une peau de tambour, pour effacer ces reliefs où se cachent des pilosités fortes et dures. Il évite la sombre couture médiane, très légèrement renflée, que pourrait entailler le morfil des lames jumelles, mais prend bien soin d'éliminer, au plus près de l'épiderme, les souches sombres des crins d'un noir profond.

Mais là ne s'arrête pas le zèle de mon figaro. En tant qu'usager de mes vallons les plus intimes, il entend faire place nette sur le parcours de ses ambassadeurs privés, accrédités pour les missions exploratoires les plus torrides : ses doigts et sa langue... Mon périnée bénéficie donc aussi de ses talents d'émondeur. La lame diabolique s'insinue dans l'entrejambe absolu, passage secrétissime qui sépare le sac boursier de la pastille de bronze. J'ai, pour aider à cette manoeuvre, changé de position. Mes bras pliés servent maintenant d'arcs-boutants à mes reins, qu'ils maintiennent haut et décollés du matelas. Je m'écartèle pour libérer de l'espace aux doigts fébriles de mon amant, qui pressent et écartent les chairs sensitives, chatouilleuses et élastiques, et offrent au fin acier l'angle de coupe propre à l'arasement le plus parfait. Je ne puis plus voir ce qu'il fait, mais ce que je sens me ravit et me transporte.

Pour parachever la tonte jusqu'à la porte étroite de mes plus ardents plaisirs, je dois apporter encore mon concours. Je maintiens un équilibre instable sur mon dos arrondi, et j'applique l'effort de mes deux mains à écarter les hémisphères charnus de mes deux fesses. La fraîcheur de l'air, dans ce canyon caché de la luxure, me révèle que j'y suis parvenu. Le pouce et l'index de mon barbier assurent, en s'écartant, le maintien de l'intervalle où il travaille maintenant, à petites touches prudentes et délicates. Le plus périlleux est passé. Mon tourmenteur - dans un accès perfectionniste, sans doute - chasse en soufflotant les chutes de son émondage ! Ça chatouille délicieusement, et me fait tordre de rire !... Puis, comme pour faire place nette et marquer la fin de l'exercice, la lame rase à grands traits la végétation éparse qui parcourt les régions fessières et l'intérieur des cuisses.

Mais tout n'est pas fini. Il a une recette spéciale pour calmer le feu du rasoir : c'est la lotion salivaire. Sa langue refait scrupuleusement le chemin de l'acier, et baigne, en un baume apaisant, chaque pouce du terrain défriché. Je gémis de bonheur. Il engloutit ma tige, mes couilles désormais glabres et douces comme bonbons de guimauve. Je me rétablis à quatre pattes, reins tendus, pour offrir à son émollient léchage l'allée postérieure fraîchement défrichée. Ses doigts fouillent et écartent ma rosace pour livrer à la pointe de sa langue, dardée comme un pénis d'adolescent, l'accès aux moiteurs roses et douceâtres du vestibule de ma jouissance.

Je me sens plus nu que nu, prêt à toute hyper-intimité. Je quémande son intromission. Il s'y plie, après avoir inondé de sa tiède salive, l'accès à son bélier dispensateur d'orgasme. L'enfilage est lent, mais sans pause. Je halète en serrant rythmiquement mon rectum en feu. Il lance son va-et-vient long, puissant. Je lui crie d'aller plus fort, plus vite... je veux entendre le claquement de son ventre sur mes fesses nues. Comme une mer agitée qui prend forme, nos deux corps balancent en une houle de jouissance. Il tripote mes couilles douces, branle mon vit et soudain, j'explose à jets crémeux sur la serviette saupoudrée de mes rognures de poils. Il vient dans la foulée en mes entrailles frémissantes.

Nous restons longuement collés, et frissonnants. Puis je m'endors dans les bras de mon barbier...

Jako

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