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HISTOIRE

TOP AUTEUR 2020 ROMAIN

Le peintre et le cycliste -01

Dans mon vaste atelier, je suis bien. Autour de moi les toiles grand format attendent ce fameux coup de pinceau final qui devrait donner vie à mes personnages. Je suis peintre, plus exactement peintre hyper réaliste. Si réaliste que certaines de mes œuvres font penser à des agrandissements photographiques. Je suis un artiste quelque peu décalé et m’en fais gloire.

Je jouis cependant d’une certaine renommée et ma clientèle est fortunée. Ce qui fait dire à mes chers confrères que je suis un artiste vénal. Bonnes gens, si vous rencontrez un artiste peintre, changez vite de trottoir. Dans l’art de vous tailler une croupière ils n’ont pas leurs pareils pour peu que vous ayez un peu de talent. Parmi mes amis, il n’y a pas de peintre.

Mon talent, je l’utilise à portraiturer des capitaines d’industrie très satisfaits d’eux et des vedettes du showbiz mégalomanes autant que disjonctées. Ma cote me permet de vivre dans le confort. Ce qui est fort inconvenable pour un artiste peintre qui devrait – selon les critères populaires – bouffer de la vache enragée tout au long de sa carrière. Tel Van Gogh.

Balayant d’un geste ces fadaises, je me fais plaisir et me délasse en peignant, grandeur nature, de beaux jeunes gens nus. Selon certains critiques d’art, ces nus sont d’une grande sensualité qui exprime la problématique ambiguïté de la masculinité.

Mes modèles ne sont jamais des modèles professionnels mais des jeunes hommes qui parfois consentent à s’étendre sur ma couche. Ils sont tous beaux car je suis très sélectif. L’un d’entre eux m’a blessé le cœur, il l’a fait sans malice. Il est sexy mais n’a pas inventé l’eau tiède. Pourquoi suis-je donc tombé amoureux de ce nigaud ? Je n’en sais rien. Bof !

J’ai la grosse quarantaine mais grâce à une bonne génétique j’ai conservé un corps mince et tonique que j’entretiens soigneusement en salle de musculation. Pour mon bonheur, je ne souffre pas de la nostalgie de la jeunesse comme la plupart de mes amis.

Je me complais dans ma solitude et n’encourage personne à me tenir compagnie. Certes, il est merveilleux d’être amoureux mais j’ai trop souffert et me réfugie à présent dans mon art. La peinture est devenue mon amante jalouse. Au fond du jardin, dans les grands pins, des écureuils se pourchassent en faisant pleuvoir des fragments d’écorce.

À bord de mon vieux pick-up, je traverse la forêt du Dom. Je vais rendre visite à mon ami François qui réside à Hyères. Nous irons déjeuner dans la vieille ville. J’aime emprunter ce trajet aux superbes paysages forestiers. Il y a peu de circulation aujourd’hui et cela me convient. En fin de parcours, j’entame l’ascension vers le col de Gratteloup. La route est devenue brusquement étroite.

La pente est très raide et les virages en lacets se succèdent indéfiniment mais le V6 ronronne paisiblement. Je ne suis pas pressé et sonde parfois du regard le ravin boisé que je longe sur ma droite. Devant moi, un cycliste gainé dans une combinaison de lycra bleu, pédale avec souplesse. Il a, selon le jargon des cyclistes : « le coup de pédale soyeux ».

La route à cet endroit est trop sinueuse pour que je puisse le doubler sans risque. Il faut dire aussi que le spectacle de ce beau sportif en pleine action est très agréable à contempler et a de quoi me faire patienter…

La puissance déployée par l’homme est impressionnante car quoique la route soit très pentue, il n’a pas mis le petit braquet et pédale cependant avec une aisance stupéfiante. Je ne peux m’empêcher d’admirer ses jambes nues aux chevilles fines et nerveuses.

Dans l’effort qui cisèle ses mollets, je vois les muscles jumeaux se scinder et jaillir sous une peau hâlée et soigneusement rasée. Les reins sont étroits et le dos s’évase vers de larges épaules. Je donnerais cher pour avoir un tel modèle.

Dans les virages en épingle à cheveux, l’athlétique cycliste adopte la position en danseuse, ce qui me permet de me gaver du spectacle de ses admirables muscles fessiers qui ondoient sous le cuissard de lycra. Ma bite gonfle outrageusement la toile de mon Lewis.

Soudain, en sens inverse, surgit d’un virage une voiture à vive allure. Mal contrôlé et trop rapide, le véhicule déborde dangereusement sur sa gauche. Comme dans un film au ralenti, je vois le rétroviseur gauche de la voiture percuter le guidon de mon cycliste qui s’envole dans un majestueux soleil pour disparaitre dans le ravin.

Mon pick-up ne bronche pas quand la voiture en perdition l’érafle sur toute sa longueur. Le chauffard ne s’arrête pas pour autant et poursuit sa route sans hésitation. Je freine à mort et saute à terre pour porter secours au cycliste. Je m’attends au pire.

À cinq mètres en contrebas, l’accidenté git, coincé dans les fourrés. Il a le visage grimaçant et lève une main vers moi. Moitié dérapant, moitié glissant je descends vers lui. Sa cuisse gauche est transpercée par une branche de bruyère sèche et il saigne abondamment.

Sous le choc, la branche, plus grosse qu’un pouce, s’est rompue et un gros morceau reste profondément planté, droit, dans sa cuisse musculeuse. Comme il fait le geste d’arracher le bout de bois, je lui crie de ne pas le faire. En mots saccadés je lui explique qu’il risque de provoquer une hémorragie. Il m’obéit en me décochant un courageux petit sourire crispé.

Il émane de ce grand corps blessé une force et une sensualité troublantes. La combinaison de lycra moule une musculature d’une rare perfection. Un film de sueur fait luire la peau bronzée de son visage et de ses membres nus.

Je bénis mes heures de musculation quand je dois hisser le cycliste vers la route qui nous surplombe. Un bras autour de mon cou, il m’aide du mieux qu’il peut mais il est choqué et tout flagada.

Parvenu enfin sur le macadam, je l’aide tout d’abord à s’assoir dans mon véhicule et vais ramasser son vélo qui git sur le bord de la route, guidon tordu. Je dépose la belle machine dans le plateau arrière du pick-up, puis je démarre sur les chapeaux de roues.

Il me faut l’emmener à l’hôpital le plus proche et je fonce sur la route avec toutefois un minimum de prudence. À l’aide de ma ceinture de toile j’ai fait en amont de la blessure un garrot de fortune. Ce faisant, ma main a effleuré à plusieurs reprises le gros paquet du garçon qui s’avère être un authentique étalon… selon mes critères.

Mon jeune passager me remercie et ne cesse de s’excuser d’inonder le siège de son sang et de m’occasionner tant de dérangement. Il a une belle voix grave avec des modulations chantantes. Il a ôté son casque et offre à mes brefs coups d’œil un profil plaisant avec une ligne de mâchoire énergique. Il est bien davantage que beau, il est séduisant.

Sous l’effet de la douleur, il serre les dents et sur ses joues émaciées les muscles maxillaires saillent. Il a de longs cils bruns bien qu’il soit blond cendré.

Il est vraiment bien bâti le cycliste. Ses longs bras musclés s’harmonisent parfaitement avec ses superbes jambes. En deux mots, il m’explique qu’il est triathlonien et qu’il s’entraînait à parfaire son endurance sur la route du Gratteloup. Il s’appelle Florian Fourcade.

Cela le fait rire quand je lui dis qu’il n’a pas de soucis à se faire pour son endurance vu qu’il grimpait le col comme une locomotive.

Avec son téléphone portable que j’avais récupéré sur le guidon du vélo, il appelle sa copine pour l’informer de son accident. Il n’est pas du genre à dramatiser. Paisiblement, il lui explique qu’un secoureur sympa le transporte aux urgences de l’hôpital de Toulon.

Sa compagnie est si plaisante que le trajet me parait bien court quand nous arrivons aux urgences. Sa copine est déjà là, elle nous attend.

C’est une grande jeune femme carrée, sportive avec de longues jambes. Elle est belle mais ses prunelles bleues sont faites de glace. La blessure de son boy friend ne semble guère l’impressionner et elle affirme qu’il pourra très bientôt reprendre son entraînement. Florian, pour toute réponse, se contente de hausser les épaules en me décochant un sourire.

Après une solide poignée de main et un dernier remerciement, les infirmiers embarquent mon triathlonien sur une chaise roulante avec le bout de bois planté verticalement dans sa cuisse sanglante. Sa compagne lui serre l’épaule d’une main possessive et m’accorde un sourire poli surmonté d’un regard froid.

Après quelques brèves formalités administratives, je confie le vélo aux gardiens de l’hôpital puis me dirige vers la plus proche gendarmerie pour y déposer une plainte contre X. Les chances de retrouver le chauffard sont minces.

Dans la voiture, flotte encore l’odeur sèche et étrangement sensuelle de l’homme que j’ai secouru, peut-être aussi mêlée à celle, ferreuse, de son sang qui imbibe le siège du passager.

Les jours suivants, j’ai du vague à l’âme quand je songe à mon cycliste du Gratteloup. Je n’ai pas nettoyé le siège de la voiture et quand je roule, ma main se pose souvent sur la tache de sang devenue brune.

C’est maintenant l’automne et un Mistral froid m’a décidé à remettre le chauffage de l’atelier en marche. Campé devant la baie, je contemple la mer frisotée d’écume et les grands cyprès qui ploient sous le vent pour ensuite se redresser fièrement.

Je viens d’avoir un entretien téléphonique avec mon galeriste Ivan Stress

Ivan Stress est l’un des marchands-critiques d’art les plus redoutables et écoutés du milieu artistique. Usant sans état d’âme de son prestige, il peut d’un trait de plume faire ou défaire la renommée d’un artiste peintre. Son verdict est irrévocable et peut faire dégringoler votre cote au plus bas, comme lui faire atteindre des altitudes vertigineuses.

J’ai l’immense chance d’être l’un de ses chouchous. Il a lancé ma carrière en exposant mes œuvres dans ses galeries de Paris, de Londres et de New York. Il faut que j’admette que mon physique de jeune premier y était pour beaucoup. Ivan Stress est en effet un homosexuel notoire qui aime pomper les bites et je ne lui ai jamais refusé l’accès à ma braguette lorsque j’étais un jeune artiste en quête de gloire. Je fus très longtemps son biberon à sperme préféré et il m’arrive encore de devoir remplir cette petite formalité.

Il vient, encore une fois, de me relancer pour que je mette en chantier une nouvelle série de nus masculins. Il souhaite, il veut, il exige même que cette série soit plus érotique, plus chaude, plus hard que les précédentes. Son projet est d’organiser l’an prochain une exposition intitulée : Les Esclaves ténébreux.

Pour cela, il lui faut des nus d’hommes ligotés, enchaînés, entravés, vulnérables et pathétiques. Il exige du troublant, de l’explicite. En bref, du porno classieux. Il dispose d’une clientèle autant cossue que perverse qui trépigne déjà la patience. Je suis partant sur le projet mais j’ai cependant un problème…

Ne pensez pas un seul instant que ce soit parce que suis effarouché par les exigences de mon mécène. Bien au contraire, mes pinceaux sont tout frétillants à l’idée de peindre des hommes nus ligotés. N’ai-je pas, quand j’étais aux Beaux-Arts, partagé des jeux équivoques avec Patrick, mon athlétique copain de promotion ?

Sous le prétexte de nous inspirer de certains troubles dessins de Géricault, nous nous ligotions à tour de rôle avant de nous enculer comme des sauvages, dans le secret ombreux d’une chambre mansardée. J’ai encore dans les yeux l’expression farouche du visage de mon complice saucissonné tandis que je lui défonçais les sphincters à grands coups de queue.

Non, mon problème ne vient pas de ma pudeur depuis bien longtemps trépassée. Mon problème vient de mes modèles. Les trois plus beaux furent ok pour poser tout ficelés mais les essais ne furent pas concluants… loin de là. Encordé et les bras liés, le premier avait l’air d’une botte de poireaux, le second avait l’air d’un rôti de veau et le troisième avait l’air de rien. Une catastrophe totale !

Il me fallait un modèle au corps de gladiateur qui porte ses liens comme des ornements. Il me fallait de la sauvagerie captive et non pas de l’emballage sous cellophane. J’avais bien fait quelques croquis préparatoires mais ils étaient plus navrants les uns que les autres et gisaient maintenant sur la grande table de l’atelier.

J’ai pourtant intérêt à me magner le cul parce qu’Ivan Stress n’est pas du genre patient et que le reste de ma carrière dépend de lui, plus que jamais. Il me faut au plus vite trouver ce modèle idéal qui éperonnera mon inspiration endormie. Je suis bien emmerdé.

Glissant sur un ciel sans nuages le Soleil entame son coucher. Mon chien enroulé dans sa panière m’observe d’un œil vigilant. Clébard est tripode. Il y a trois ans je l’ai ramassé sur une route départementale avec une patte arrière fracassée. Le vétérinaire a dû l’amputer et depuis ce jour, il vit chez moi et me tient compagnie. Nous avons, tous les deux, des conversations très intéressantes mais nous avons parfois quelques divergences… notamment sur le choix de ses croquettes. Clébard est un gastronome averti.

Plongé dans ma rêverie, la sonnerie du portail me fait sursauter. À part le facteur et les livreurs, rares sont ceux qui utilisent cette sonnerie, surtout en fin de journée. Plutôt que d’user de l’interphone, je me saisis de la télécommande pour sortir et me diriger vers le portail, précédé de Clébard, tout clopinant.

Un jeune homme attend derrière la grille. Il est grand et mince avec de larges épaules. Mains dans les poches il me fait un grand sourire. Après une seconde d’hésitation, je reconnais mon cycliste du Gratteloup.

- Bonjour, je viens remercier mon sauveur. Me dit-il.

Je le salue chaleureusement et l’invite à entrer. Il s’excuse de venir ainsi sans me prévenir mais il ne dispose que de mon adresse qu’il a obtenue à l’hôpital. Il est vrai que je donne rarement mon numéro de téléphone. Misanthropie oblige. Il a un rire de gorge quand je lui dis que j’aurai bien aimé qu’il soit venu gainé dans sa combinaison de lycra. Il n’est pas farouche.

Je lui propose de boire un verre et nous entrons dans l’atelier. Immédiatement intéressé, il s’avance vers mes toiles en travaux. Il savait que j’étais peintre mais ne connaissait mes œuvres qu’à travers des photos. Il exprime sa surprise et fait de perspicaces commentaires qui me révèlent qu’il a de solides connaissances dans le domaine de la peinture.

Il est comme fasciné par le grand nu d’un garçon prénommé Raphaël. Il interroge le visage du jeune athlète peint et se tourne vers moi pour me dire :

- C’est extraordinaire, on dirait qu’il veut me dire quelque chose.

- Peut-être veut-il vous dire qu’il est dangereux pour un beau mec comme vous d’entrer dans cet atelier. Que je réponds, sibyllin.

Mon visiteur me regarde avec un petit sourire goguenard, puis plonge la main dans son blouson pour en extraire un petit paquet cadeau enrubanné qu’il me tend en disant :

- Alors, j’aime probablement ce genre de danger… tenez, c’est pour vous.

En le remerciant, je déballe avec précaution et découvre un grand couteau spatule du même type que ceux que j’utilise pour mélanger mes peintures. L’acier est de qualité supérieure mais c’est surtout le manche qui m’intrigue. Massif mais fuselé il est très finement sculpté de motifs floraux. Il a fallu de longues heures de travail pour obtenir ce petit chef-d’œuvre. Je frémis.

- Vous le reconnaissez ? Me questionne le beau gars.

- C’est le morceau de bois que vous aviez planté dans la cuisse ? Que je réponds soudain troublé.

- Oui, c’est lui. Le chirurgien me l’a rendu et comme je sculpte le bois à mes heures, j’ai eu l’idée de vous bricoler un couteau à palette avec. Ça vous plait ?

- Vous voulez rire… j’aime et c’est un objet magnifique… c’est dingue votre idée. Je suis très touché. Que je balbutie, sincèrement ému.

- Tant mieux, d’autant que c’est du bois que j’ai payé cher. Dit-il avec un grand éclat de rire.

Tout con avec mon magique couteau spatule à la main, je suis submergé par la présence chaleureuse de mon beau visiteur. Il a empli l’atelier de son aura et même Clébard, redressant les oreilles, le contemple, conquis, d’un œil énamouré.

Je l’invite à enlever son blouson car il fait chaud et je nous sers une bonne rasade de whisky. Florian a un esprit pétillant et me semble cultivé. Ses yeux gris bleu et ses lèvres ourlées captivent mon regard. De son t-shirt noir jaillissent des bras aux muscles longs et puissants.

En voulant reposer son verre sur la table à côté de lui, le regard de l’athlète se pose sur les croquis préparatoires qui la jonchent. Soudainement très intéressé, il se penche pour mieux les voir et s’enquiert poliment :

- Je peux ?

- Je vous en prie.

Il se saisit alors délicatement de l’un d’eux et l’examine attentivement. Il semble fasciné. J’ignore si c’est un effet de mon imagination, mais il me semble que sa braguette soit plus bombée qu’elle ne l’était à son arrivée.

- Vous avez un coup de crayon magistral. Ce sont des études pour un nouveau projet de peinture ? Un grand nu peut-être ? Me demande-t-il, la voix un peu voilée.

- Ouais, mais c’est bien mal parti. Que je grommèle.

- Pourquoi cela ? Questionne-t-il en relevant l’arc de ses sourcils.

- Parce que mes modèles sont tartes… ils n’ont aucun punch. Regardez celui-là… on dirait une botte de radis ! Que je claironne en brandissant un autre dessin que je viens de saisir.

Mon mouvement d’humeur fait rire mon beau visiteur. Il examine encore les autres croquis en faisant la moue. Il a de longs cils courbes.

- Ouais, je suis un peu d’accord avec vous. Il n’y a pas assez de révolte dans leur attitude. Ils sont un peu trop résignés à mon goût. Commente-t-il.

- Vous avez tout compris. Ils sont inconsistants… il me faudrait un modèle qui…

Soudain, comme si je découvrais l’homme campé devant moi, mon regard s’attarde sur son corps avec autant d’insistance que celui d’un maquignon à la foire aux bestiaux.

C’est l’évidence même ! Cet homme est le modèle qu’il me faut ! C’est d’une voix enrouée que je m’entends poser l’audacieuse question :

- Accepteriez-vous de poser pour moi ?

J’interprète mal sa longue hésitation à me répondre et m’apprête à entendre son refus. Mais il prend enfin la parole pour m’expliquer que ce serait un honneur pour lui de me servir de modèle… mais qu’il y a cependant un petit problème…

- Quel est ce petit problème ? Que j’interroge, intrigué.

Sans aucune gêne et sur le ton de la conversation, il m’explique qu’il bande comme un taureau dès qu’il est ligoté… et que c’est bien pire quand il est tout nu. C’est sa copine qui lui a révélé cet aspect de sa sexualité en l’attachant périodiquement sur leur lit.

Cette dernière peut ainsi satisfaire, sans retenue, sa voracité en s’empalant sur son sexe érigé qu’elle manipule auparavant de diverses et perverses manières. Elle est très inventive et n’hésite pas à utiliser pinces à seins, plugs, cockrings et tiges urétrales pour exacerber encore davantage l’excitation de sa monture. Le beau gosse rajoute que sa maîtresse est une grosse goulue et qu’elle ne le détache qu’après avoir obtenu sa seconde éjaculation.

Je crois rêver en entendant de tels propos. Ce mec n’est pas du genre à s’encombrer de tabous. Malgré la trique qui me remplit le calbar et un léger tournis, je parviens à chevroter :

- Vous… seriez prêt à poser pour moi avec des pinces à seins… et un… ?

- Pourquoi pas ? M’interrompt-il. Si vous voulez peindre un esclave sexuel réaliste, il faut bien qu’il souffre un peu, non ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

- Je…

- Mais il faut tout d’abord que je vous montre la marchandise. Je peux très bien ne pas vous convenir. Continue le triathlète en faisant voltiger son t-shirt.

Sous mes yeux écarquillés, Il arrache baskets et chaussettes et fait glisser jean et slip qu’il balance sur le sol en gestes désinvolte. Ses pieds sont ceux d’Hermès, réguliers et racés.

Je devrais être blasé car des beaux corps d’hommes, j’en ai vu à foison. Mais celui que je découvre en cet instant est ensorcelant. Florian est une véritable statue vivante. Nu comme la main, il tourne sur lui-même pour que je puisse l’examiner sous tous les angles. Son pénis massif est en semi-érection et son scrotum rasé est alourdi de gros testicules qui semblent tels deux fruits sous la peau veloutée.

Sous la parfaite peau ambrée roule une musculature sculpturale digne d’un Dieu de l’Olympe. Émouvante, la cicatrice encore très rouge étoile la puissante cuisse fuselée. Bien que lisant l’admiration dans mon regard il attend mon verdict avec humilité.

- Si mon corps vous convient, je suis votre homme. Mais comme je ne roule pas sur l’or, je vous demanderais de bien vouloir participer aux frais d’essence et d’autoroute. Ça me fait une petite trotte de venir chez vous. Parlemente-t-il, sans trop de conviction.

- Vous serez un modèle magnifique. Deux-cents euros la séance de pose, plus les frais de route. Cela vous convient ? Que je parviens à émettre, d’une voix rocailleuse.

- C’est parfait. Dans ce cas je peux venir poser chez vous tous les vendredis soir. Quand commençons-nous ? S’enquiert le beau démon, tout content.

- Tout de suite, si vous voulez. J’ai tout le matériel nécessaire ici pour vous attacher. Que je croasse, langue… probablement pendante.

Je dispose en effet d’une pléthore d’accessoires que j’ai commandée sur Internet. Bracelets de cuir, colliers, chaînes, cordes… et autres accessoires amusants dont je tairais le nombre.

D’un commun accord, nous décidons, Florian et moi, de commencer par les cordes.

Je lui lie donc les poignets dans le dos pour les remonter ensuite férocement entre les omoplates par un savant encordement qui bloque ses bras en s’enroulant autour de son torse. L’homme m’encourage à serrer les liens car il a la ferme intention de gonfler ses muscles comme le ferait un prisonnier voulant se libérer. Je n’attache pas ses jambes.

- Il faut que ce soit réaliste. N’ayez crainte, je vais faire tout mon possible pour ne pas vous décevoir. M’annonce-t-il, d’un ton déterminé.

Je ne suis pas déçu. Quand il monte sur l’estrade et prend la posture décidée, j’en prends plein les mirettes. Station écartée, cambré, les épaules striées par l’effort, les cordes encastrées dans la peau et l’encolure fièrement redressée, il est plus vrai qu’un Spartacus captif. Mon instinct ne m’a pas trompé, Florian était le modèle qu’il me fallait.

Vous tous, fans de bondage, ne cherchez pas plus loin, votre idole est chez moi mais n’espérez rien car je vais me la garder, pour moi tout seul. Faut quand même pas rêver !

Mais… ce qui vous laisserait pantois… c’est son sexe, qui est une véritable apologie de la virilité. Raide, dressé haut, turgescent et noué de veines épaisses, ce chibre légèrement cintré ferait le bonheur d’un faune.

J’active la télécommande du rhéostat et l’atelier baigne dans une lumière qui sculpte les formes de l’homme nu. C’est de la folie !

Sans plus attendre, je m’empare d’un fusain et me jette sur la grande toile vierge. En un temps record je trace et je campe les grandes lignes de mon esquisse puis les ombres et les dégradés. J’ai la certitude que je vais peindre mon chef-d’œuvre. Je dessine comme un fou.

Avec tout autant de frénésie, je saisis les pinceaux et place mes glacis d’ombres et de lumières. Je ne vois pas le temps passer, je suis dans un état second.

C’est un léger raclement de gorge qui me réveille. Cela fait presque une heure que mon modèle pose, immobile et muscles tendus. Il commence à fatiguer et il me demande gentiment un petit instant de repos. Je suis confus, je m’excuse et il rigole.

D’un bond de chat, Florian saute de l’estrade et contourne le chevalet pour venir voir mon ébauche. Il pousse un sifflement admiratif et dit :

- C’est dingue, on me reconnaît déjà ! À cette vitesse vous allez finir ce tableau en trois ou quatre séances. C’est certain.

- Celui-ci n’est que le premier de la série. J’ai l’intention d’en peindre d’autres. À condition que vous soyez d’accord, bien entendu. Que je propose timidement.

- Bien entendu que je suis d’accord. Je vous aie dit que j’étais votre homme. Vous pouvez me peindre autant de fois que vous voulez. Clame l’athlète ligoté.

Il déambule dans l’atelier pour se dégourdir les jambes, fait quelques flexions et torsions du torse et regrimpe sur l’estrade. Les bras ainsi tordus dans le dos, il ne doit pas être à l’aise.

- Voulez-vous que je vous détache pour déplier un moment vos bras, je ne veux pas que vous attrapiez une crampe. Que je suggère.

- Ce serait une perte de temps. Ne vous inquiétez pas, je suis souple et je peux tenir encore un bon moment comme ça. Ce ne sont pas mes bras qui me font mal… Me rétorque-t-il avec un petit sourire en coin.

- Ah, dites-moi ?

- Ce sont mes couilles qui me font mal. Je n’arrête pas de bander et ça me tire et ça me pèse dans le bas-ventre de plus en plus fort. Murmure-t-il d’une voix enrouée.

Emporté par mon enthousiasme pictural, je n’avais pas encore remarqué que mon superbe modèle a la queue qui coule et qu’il a, de plus, inondé l’estrade de liqueur pré éjaculatoire.

Je chope une trique infernale en découvrant ce spectacle. Solidement campé sur ses jambes, les épaules vrillées et le front bas, le triathlète me plante son regard bleu dans les yeux en basculant le bassin vers moi. Son érection est glorieuse, furieusement provocante.

- Si tu penses la même chose que moi, alors vas-y… c’est moi qui te le demande. Cela me soulagera. Me propose-t-il d’une voix rauque.

Motivé par son soudain tutoiement, sans davantage réfléchir, je m’avance vers mon sculptural modèle et pose mes mains sur ses hanches étroites. Ma bouche avale son sexe coulant et le pompe goulûment. Il vibre sous ma prise et se cambre plus encore. Juché sur l’estrade, il est à la hauteur idéale pour que je puisse, sans devoir m’incliner, lui travailler les couilles et la queue.

C’est ce que je fais maintenant, sans aucun ménagement. De fantastiques abdos se quadrillent sous mes yeux tandis que j’astique un grand sexe glorieux et qu’entre mes doigts osseux roulent de durs et gros testicules comme rouleraient des boules qi gong.

Je cramponne ensuite des fessiers de marbre et aiguillonne une minuscule rosette qui s’ouvre pour laisser pénétrer mon index et mon majeur qui sont experts en toucher prostatique. D’une main je le branle et de l’autre je le sonde profondément. Des râles rauques m’annoncent que j’ai trouvé le point P de l’athlète. Alors, mes doigts s’y attardent longuement et pesamment. Je veux détruire de plaisir le beau Florian. Au bord de l’orgasme et tous muscles ondoyants, il est tendu tel un arc et m’interpelle d’une voix gutturale qui se casse :

- Vas-y mec… plus fort… prends-moi tout ! Plus fort !! Tu me tues !!!

Quand fusent d’interminables jets de foutre, l’homme rugit, et Clébard, réveillé en sursaut, saute de sa panière pour faire chorus. C’est un vacarme indescriptible. Sur mon poing, un sperme épais dégouline abondamment. Ma tête tourbillonne et ma braguette est comble. J’ai joui sans me toucher et mon slip doit être inondé. Comment peindre dans de telles conditions ?

Je continue encore un bon moment de branler la queue de Florian lubrifiée de sperme. Je me régale d’ignorer la vrillante douleur post éjaculatoire qui le fait tressaillir tout entier.

Mais il ne se dérobe pas et reste cambré, offert à mon caprice. Tendant le bras, je plaque ensuite ma main pleine de foutre sur sa bouche. Après un imperceptible mouvement de recul, il se résigne et mange sa crème chaude. Sa langue sur ma paume me fait frissonner.

Je n’ose imaginer les commentaires de mes confrères jaloux s’ils avaient connaissance de ma méthode de travail. Mais après tout, chacun puise son inspiration, où et comme il l’entend… Je recule de deux pas, la main mouillée de salive et de sperme tandis que le triathlète souffle un grand coup en s’ébrouant comme un nageur surgissant de l’eau.

- Merci mec, je pense qu’elle va se tenir tranquille un moment… sinon faudra me traire encore une fois. Glousse-t-il en balançant sa queue qui s’amollit comme à contrecœur.

Je suis estomaqué. En l’espace de quelques minutes nous sommes tombés de plain-pied dans l’intimité la plus flagrante et dans le tutoiement le plus relax. De quel chaudron magique sort ce garçon ?

Il va sans dire que c’est quelque peu vacillant que j’essaie de me remettre à l’ouvrage. Toujours campé sur son estrade et à peine essoufflé, Florian observe tranquillement mon agitation. Faisant comme si de rien n’était, je m’essuie les mains avec une feinte désinvolture.

- Vous ne deviez pas vous emmerder aux Beaux-Arts, les mecs. Éclate de rire l’effronté en renversant la tête.

- Dis-moi, Florian, tu ne serais pas du genre à brûler les étapes par hasard ? Je veux bien qu’on se tutoie mais alors ne me donne plus du mec. Mon prénom est Sébastien. Que je rétorque en rassemblant les derniers lambeaux de ma dignité.

- Excuse-moi Sébastien. Tu as raison, je suis trop familier mais comme tu es le premier homme qui me touche, cela créer forcément des liens… Ronronne gentiment le triathlonien.

- Quoi ?... Le premier ??... J’ai bien entendu ??? Suis-je en train de hoqueter.

- Ben oui, le premier. Qu’est-ce qu’il y a d’extraordinaire à ça ? Qu’il susurre.

- Je… dis-moi que c’est une blague !!?

- Non Sébastien, ce n’est pas une blague. Tu es le premier homme qui touche ma queue et le reste aussi d’ailleurs… Faut pas que ça te mette dans cet état. J’ai trouvé ça génial. Tu m’as fait jouir comme jamais mes garces de copines n’ont su le faire. J’ai bien cru à un moment que tu allais me vider jusqu’à la moelle de mes os. Tu as des mains en or… c’est moi qui te le dis.

Je suis plutôt du genre blasé mais là, j’admets humblement que je suis scotché.

- Quel âge as-tu ?

- 27 ans et toutes mes dents. Répond-il avec un sourire radieux.

- Et tu as attendu tout ce temps pour avoir une aventure avec un homme ? C’est difficile à croire. Avec ton physique tu as dû avoir beaucoup d’occasions de sauter le pas. Non ?

- Affirmatif. J’ai eu beaucoup de propositions mais je voulais un homme d’expérience et sérieux. Ne crois pas pour autant que je sois un enfant de chœur. Je n’ai pas arrêté, depuis mon adolescence, de me livrer à des maîtresses plus vicieuses les unes que les autres et elles se sont régalées avec moi… je peux te le dire. M’affirme-t-il.

J’ai le sentiment confus d’avoir été manipulé et cela ne me plais guère mais d’un autre côté, je serais bien ingrat de me plaindre d’un tel cadeau du destin. L’audace, la spontanéité et la détermination de ce beau démon me troublent mais je suis aussi séduit par sa malicieuse gentillesse. Le charme de ce gaillard est irrésistible.

- Pourquoi moi, tu dois avoir le choix et je ne suis pas de première jeunesse ? Que j’interroge avec un brin d’amertume.

- Je m’en fous de ton âge, tu es beau et de la jeunesse, j’en ai pour deux. Cela devrait nous suffire. Quand tu es venu me repêcher dans le ravin et que tu as posé tes mains sur moi, j’ai tout de suite compris que tu étais le mec… euh… pardon… que tu étais l’homme que je cherchais. Quand j’ai su qui tu étais, je me suis renseigné et me voilà… Conclut Florian avec son grand sourire d’ange des ténèbres.

Que répondre à cela ? J’ai fait entrer un démon dans mon atelier. Il est trop tard pour reculer, les dés sont jetés.

L’heure suivante, je parachève ma pochade d’une main ferme. Florian est un modèle exceptionnel. Non seulement il garde parfaitement la pose mais en plus il m’inspire comme jamais un modèle n’est parvenu à m’inspirer. Il émane de tout son corps une telle sensualité que mon pinceau semble à présent animé de sa propre vie.

C’est avec stupéfaction que je constate que le sexe insatiable s’est à nouveau redressé. Alors, avant de détacher Florian, je le suce, je le pompe, je le bois avec avidité. Il me donne, encore une fois, sa substance d’homme en poussant un râle rauque puis se penche vers moi pour prendre ma bouche dans sa bouche. Sa langue sur ma langue goûte la douce âcreté de son sperme. Généreux, il me donne en partage sa force et sa jeunesse.

J’étais fou de croire que l’amour plus jamais ne me flécherait.

Florian reviendra vendredi prochain à 19 heures. Je l’attends déjà alors qu’il vient juste de repartir vers son Toulon et sa copine aux yeux de glace. Que vais-je donc devenir ?

Romain

En avant-première :


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